le collier sacré de Montézuma - Жюльетта Бенцони страница 7.

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À présent le couple gravissait les trois marches du chœur tandis que l’orgue, réglé comme une horloge, achevait l’hymne wagnérien. Don Pedro fit prendre place à sa nièce, derrière laquelle une jeune femme vêtue de velours noir disposait la traîne et le voile puis, après une rapide génuflexion devant l’autel, il rejoignit la « famille » de l’absent, s’inclina brièvement devant Mme de Sommières et attaqua Morosini :

— Voulez-vous me dire où est ce rustre ? Pourquoi n’est-il pas là ?

Le ton, l’épithète plus encore eurent le don d’irriter Aldo.

— Je n’en sais pas plus que vous, Don Pedro ! Pour que Gilles Vauxbrun ait du retard, il faut qu’il se soit passé quelque chose. Il est toujours d’une scrupuleuse exactitude.

— Quoi, par exemple ?

— Un accident de circulation ou Dieu sait quoi ? Veuillez prier Doña Isabel de prendre un peu patience. Je reviens !

Et sans attendre de réponse, il s’élança, dévalant le chœur et la nef tout en indiquant d’un geste au maître de cérémonie de redonner la parole à l’orgue. Arrivé dans la rue, il y avait foule aussi bien sur les trottoirs que dans le square en face de l’église. Le couple de journalistes accourut pour obtenir des explications.

— Je n’en ai pas pour l’instant…

— … mais on va essayer de s’en procurer ! coupa Adalbert qui arrivait après avoir récupéré sa voiture, une petite Amilcar rouge décapotée. Grimpe ! On va chez lui !

Pour gagner la rue de Lille où l’antiquaire possédait un hôtel particulier, on choisit le chemin qu’aurait dû suivre le marié, quitte à prendre un sens interdit. La voiture faisait un bruit d’enfer mais elle était rapide. En quelques secondes on était à destination sans avoir rencontré personne. Adalbert embouqua le portail grand ouvert et stoppa devant le perron depuis lequel Servon, le maître d’hôtel, surveillait un arrivage de fleurs.

— Monsieur aurait-il oublié quelque chose ? demanda-t-il en descendant vers les deux hommes.

— S’il a oublié quelque chose, c’est l’heure ! fit Morosini. La mariée est déjà à l’autel mais pas lui !

Le serviteur eut un haut-le-corps.

— Il n’est pas encore arrivé ? Mais c’est impossible ! Voilà près d’une heure qu’il est parti. La voiture était là à onze heures et demie. Il était prêt ; il est monté dedans et… Mon Dieu ! Qu’est-ce qui a bien pu se passer ?

Au service de Vauxbrun depuis la guerre qu’ils avaient faite ensemble, Lucien Servon lui était très attaché et, tout de suite, se montra inquiet :

— Où peut-il être ? Il ne faut pas si longtemps pour aller à Sainte-Clotilde ?

— C’est aussi notre avis, dit Morosini. Il n’a pas reçu de lettre ou de coup de téléphone avant de partir ?

— Non, Excellence, aucun. Il était… je dirais rayonnant ! En partant il m’a tapé sur l’épaule en disant : « Allons sauter le pas, mon bon Lucien ! J’y aurai mis le temps mais cela en valait la peine ! » Et puis ce fut tout ! Puis-je demander ce que vont faire ces messieurs ?

— On va d’abord retourner à l’église, voir s’il n’est pas arrivé entre-temps et puis…

— C’était quoi, la voiture qui est venue le prendre ? demanda Adalbert.

— Une Delahaye, Monsieur, comme toutes les voitures du cortège à l’exception de la Rolls-Royce de la mariée. Pour ce que j’en sais, du moins !

Avant de regagner Sainte-Clotilde, on fit deux fois le tour complet des rues susceptibles d’avoir été suivies par le mari, ce qui ne faisait pas beaucoup, en gardant l’espoir, en arrivant, de voir Vauxbrun aux côtés d’Isabel dans le chœur illuminé. Hélas, il fallut bien constater que les choses en étaient toujours au même point. À cette différence près que le curé sous sa chasuble avait fait son apparition et s’efforçait, à la fois, de calmer la fureur de Don Pedro et de distribuer quelques bonnes paroles à la jeune épousée qui, d’ailleurs, n’avait pas l’air de se tourmenter outre mesure : sagement assise dans son fauteuil, elle caressait d’un doigt distrait les fleurs de son bouquet. Dans la nef régnait une légère agitation. Le retour des deux hommes fut salué d’un « Ah ! » de satisfaction. L’oncle fonça sur eux comme un taureau qui charge :

— Vous pouvez constater qu’il continue de briller par son absence ! Qu’avez-vous à dire ? aboya-t-il.

— Que vous pourriez faire preuve d’un peu de retenue, riposta Morosini, sévère. D’abord parce que nous sommes dans un lieu consacré ; ensuite parce que, Gilles Vauxbrun ayant quitté la rue de Lille voilà plus d’une heure avec la voiture qui est venue le chercher, nous redoutons qu’il n’ait eu un accident.

— Vous avez trouvé des débris ? fit, dédaigneuse, la vieille Doña Luisa depuis son siège.

— Si c’était le cas, Madame, j’aurais commencé par le mentionner. Malheureusement il n’en est rien !

— Vous regrettez que votre ami ne soit pas en route vers quelque hôpital ? ricana-t-elle.

— Presque ! Quand un ami disparaît sans laisser de traces, j’avoue ne pas apprécier !

— Vous craignez qu’on ne l’ait enlevé ? intervint le curé. Pour quelles raisons, mon Dieu ?

— Elles ne manquent pas. Sans compter le fait que M. Vauxbrun est très riche, il a pu, en épousant Mademoiselle, en indisposer plus d’un. Il suffit de la regarder pour le comprendre.

— Il est certain, fit la douairière du haut de sa tête, que les soupirants ne manquent pas à ma petite-fille et que, dans la famille, nul n’a compris qu’elle choisisse ce… ce commerçant défraîchi !

— On peut se demander pourquoi, en effet ? grinça Mme de Sommières en toisant la dame à travers son face-à-main. Son sort ne semble pas la tournebouler ?… Sans aller jusqu’à se ronger les ongles, elle pourrait manifester un brin d’émotion…

— Mesdames, Mesdames ! intervint l’abbé. Veuillez vous souvenir de l’endroit où vous vous trouvez ! Je propose que nous attendions encore un moment… par exemple en priant pour que rien de fâcheux ne soit advenu. Ensuite…

— Ensuite, je préviendrai la police ! coupa Aldo froidement. Gilles Vauxbrun est trop profondément épris de sa fiancée pour imaginer une fugue inspirée par Dieu sait quoi !

Don Pedro persifla :

— Dans quel milieu sommes-nous tombés ! La police, à présent ?… Eh bien, cher Monsieur, vous l’attendrez seul. J’estime que nous nous sommes suffisamment couverts de ridicule pour ne pas souhaiter prolonger l’expérience. Venez, mon enfant ! Nous rentrons !

Et le quatuor mexicain en bon ordre redescendit d’un pas indigné le chœur et la nef sous l’œil malgré tout surpris des invités. Le retard du marié était certes déplaisant mais pouvait sans doute trouver une explication simple. Une attente un peu plus longue eût été de mise et non cette sortie un rien fracassante jugée de mauvais goût à la quasi-unanimité. D’autant que l’on avait tourné le dos au prêtre comme à l’autel sans même un signe de croix. Quant à la mariée, elle n’avait pas levé les yeux une seule fois et sur quoi que ce soit : elle s’était contentée de laisser tomber son bouquet sur les souliers de l’abbé avec une moue de dédain…

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