Depuis que Laffitte est devenu ministre pour avoir ramassé une épingle dans la cour d'une banque, je ramasse tout, même les défis.
Voici mon petit essai:
TEMPS PROBABLE POUR DEMAIN
Sec avec peut-être de la pluie. Température relativement élevée, à moins d'un abaissement thermométrique.
L'ACCIDENT DE LA RUE QUINCAMPOIX
Un jeune ouvrier menuisier, le nommé Edmond Q...., âgé de 48 ans, était occupé à remettre des ardoises à la toiture de la maison sise au 328 de la rue Mazagran, lorsqu'à la suite d'un étourdissement, il fut précipité dans le vide.
L'accident avait amassé une foule considérable et ce ne fut qu'un cri d'horreur dans toute l'assistance.
On s'attendait à voir l'infortuné s'abattre sur le pavé quand, en passant devant la fenêtre du premier étage, quelle ne fut pas la surprise de la foule en constatant que l'ouvrier, sollicité par les œillades d'une femme de mauvaise vie qui s'y trouvait, et comme il en pullule dans ce quartier, s'arrêta dans sa chute et pénétra par la fenêtre dans la chambre de la prostituée.
Les médecins refusent de se prononcer sur son état avant une huitaine de jours.
LES NOUVEAUX WAGONS DE LA COMPAGNIE DE L'Ouest
Un bon point à la Compagnie de l'Ouest. On vient de mettre en circulation les nouveaux wagons pour priseurs. Une plaque de cuivre, sur laquelle se trouve inscrit le mot Priseurs, indique la destination de ces voitures.
Il sera donc interdit désormais de priser dans d'autres compartiments que ceux réservés ad hoc.
À partir du 1
er
glaçouillottesIl est à souhaiter que pareille mesure s'applique aux deuxièmes classes et mêmes aux troisièmes.
Terminons par une bonne nouvelle.
La Compagnie de l'Ouest vient enfin de donner satisfaction aux incessantes réclamations des mécaniciens.
L'hiver prochain, sur toutes les grandes lignes, les locomotives seront chauffées.
ENCORE DES BICYCLETTES
M. le préfet de police, au lieu de pourchasser les bookmakers et les innocentes petites marchandes de fleurs, ferait beaucoup mieux de songer à réglementer les bicyclettes qui, par ces temps de chaleur, constituent un véritable danger public.
Encore, hier matin, une bicyclette s'est échappée de son hangar et a parcouru à toute vitesse la rue Vivienne, bousculant tout et semant la terreur sur son passage.
Elle était arrivée au coin du boulevard Montparnasse et de la rue Lepic, quand un brave agent l'abattit d'une balle dans la pédale gauche.
L'autopsie a démontré qu'elle était atteinte de rage.
Une voiture à bras qu'elle avait mordue a été immédiatement conduite à l'Institut Pasteur.
OÙ LA FALSIFICATION Va-t-elle SE NICHER!
On vient d'arrêter et d'envoyer au Dépôt un charbonnier, le nommé Gandillot, qui avait trouvé un excellent truc pour faire fortune aux dépens de la bourse et de la santé de ses clients.
Cet honnête industriel livrait à ses pratiques, au lieu de l'eau qu'on lui demandait, un petit vin blanc de son pays qu'il achetait à vil prix.
La fraude n'a pas tardé à être découverte, grâce à l'indisposition d'une vieille dame d'origine polonaise, la veuve Mazur K...., rentière, qui envoya au laboratoire municipal le liquide douteux.
Le brave Auvergnat aura à rendre compte à la justice de son ingénieuse combinaison.
BAISSE ACCIDENTELLE DE LA SEINE
Un accident étrange et, par bonheur, assez rare, vient de jeter la perturbation chez tous les riverains de la Seine.
Un énorme chaland, chargé de papier buvard, est venu heurter une des piles du Pont Royal. Une voie d'eau se déclara, et le bâtiment coula immédiatement.
Le papier buvard contenu dans le chaland absorba bientôt toute l'eau ambiante et il s'ensuivit un abaissement de 1m20 dans l'étiage du fleuve.
Les pompiers du poste de la rue Blanche, mandés sur-le-champ, arrivèrent et se mirent en devoir de rétablir les choses en leur état.
Après six heures de travail acharné, la Seine avait repris son niveau normal.
Malheureusement, les braves pompiers, dans leur zèle, ne manquèrent pas de causer force dégâts.
Signalons notamment l'établissement de bains froids Deligny, qui a été littéralement inondé.
Un peu moins de zèle, que diable!
Eh bien! mon vieux Chalonnais, suis-je foutu (sic) de tourner un fait-divers, oui ou non?
Loufoquerie
Cet homme me contemplait avec une telle insistance que je commençais à en prendre rage. Pour un peu, je lui aurais envoyé une bonne paire de soufflets sur la physionomie, sans préjudice pour un coup de pied dans les gencives.
—Quand vous aurez fini de me regarder, espèce d'imbécile? fis-je au comble de l'ire.
Mais lui se leva, vint à moi, prit mes mains avec toutes les marques de l'allégresse affectueuse.
—Est-ce bien toi qui me parles ainsi? dit-il.
Je ne le reconnaissais pas du tout.
Il se nomma: Edmond Tirouard.
—Comment, m'exclamai-je, c'est toi, mon pauvre Tirouard! Je ne te remettais pas. Mais pardon, si j'ose, n'étais-tu point dans le temps blond avec des yeux bleus?
—C'est juste, je me suis fait teindre les cheveux et les yeux! Suis-je pas mieux en brun?
Ce pauvre Tirouard, j'étais si content de le revoir! Depuis le temps!
Et nous égrenâmes les souvenirs du passé.
Et Machin? Et Untel? Et Chose? Hélas! que de disparus!
Tirouard et moi, nous étions dans la même classe au collège. Je ne me rappelle pas bien lequel de nous deux était le plus flemmard, mais ce qu'on rigolait!
Il mettait au pillage la maison de son père qui était quincaillier et nous apportait chaque matin mille petits objets utiles ou agréables: des couteaux, des vis, des cadenas, des aimants (j'adorais les aimants).
Moi, en ma qualité de fils de pharmacien, je gorgeais mes camarades d'un tas de cochonneries: des pâtes pectorales, des dattes. Entre-temps j'apportais des seringues en verre (ô joie!) et des suspensoirs qu'on transformait en frondes.
Un jour—mon Dieu! ai-je ri ce jour-là!—j'arrivai muni d'une boîte de biscuits dont chacun recelait, si j'ai bonne mémoire, soixante-quinze centigrammes de scammonée.
Toute la classe ne fit qu'une bouchée de ces friandises traîtresses, mais c'est une heure après qu'il fallait voir les faces livides de mes petits camarades! Mon Dieu! ai-je ri!
Ah! ce jour-là, le niveau des études ne monta pas beaucoup dans notre classe!
Comme c'est loin, tout ça!
Et avec Tirouard, nous nous remémorions tous ces vieux temps disparus.
—Te rappelles-tu mon expérience de parachute?
Si je me rappelais son parachute!
Un jeudi, dans l'après-midi, Tirouard nous avait tous conviés à une expérience due à son ingéniosité.
Il avait attaché un panier au bec d'un vieux parapluie rouge, inséré un chat dans le panier, et lâché le tout au gré de la brise.
Le gré de la brise balançait l'appareil dans les airs pendant de longues heures. Toute la ville était sens dessus dessous.
La tante de Tirouard, qui adorait son chat et n'avait jamais rêvé pour lui une telle destinée, poussait des clameurs à fendre des pierres précieuses.
Finalement, l'appareil alla s'accrocher au coq du clocher, et il ne fallut pas moins d'un caporal de pompiers pour aller délivrer le minet aérien.
—Et maintenant, demandais-je à Tirouard, que fais-tu?
—Je ne fais rien, mon ami, je suis riche.
Et Tirouard voulut bien me conter son existence, une existence auprès de laquelle l'Odyssée du vieil Homère ne semblerait qu'un pâle récit de feu de cheminée.
Quelques traits saillants du récit de Tirouard donneront à ma clientèle une idée de l'originalité de mon ami.
Certaines entreprises malheureuses (entre autres la Poissonnerie continentale—laissée pour compte des grands poissonniers de Paris) déterminèrent Tirouard à s'expatrier.
Son commerce de pacotilles ne réussit guère mieux.