L’autre passagère était une dame seule et d’un certain âge : la marquise d’Anguisola, née Belmont. Elle avait perdu son mari quelques années auparavant et, sans enfants, partageait son temps entre son hôtel new-yorkais et sa villa des environs de Rome. Au demeurant, une femme de caractère encore que tout à fait charmante.
Au milieu du tohu-bohu qui régnait sur le navire, Helen avait vu Astor emmener sa femme. Restait la marquise. Helen aperçut alors une jeune femme qu’elle ne connaissait pas. Très belle et enveloppée de vison, elle sortait de la cabine de Mme d’Anguisola dont elle referma la porte à clef avant de se perdre dans la foule du pont.
Prise d’un bizarre pressentiment – la vieille dame possédait de fort beaux bijoux ! –, Helen voulut ouvrir la porte mais la clef avait disparu. Elle prit alors son passe, traversa le salon et entra dans la chambre : la marquise habillée pour sortir gisait en travers du lit, les yeux grands ouverts, un poignard planté dans le cœur. Le coffre privé, dissimulé normalement derrière un tableau, était posé à côté d’elle, béant et vide…
Helen n’était pas fille à perdre la tête, même dans une telle situation. Elle se contenta de fermer les paupières de la morte et, oubliant totalement qu’elle se trouvait sur un navire en train de sombrer, partit à la recherche du commandant, ou tout au moins du commissaire de bord, afin de signaler le meurtre, mais elle se trouva propulsée par le flot humain vers les embarcations où John Jacob Astor la saisit au vol :
— Helen, je veux que vous partiez avec mon épouse. Vous avez si merveilleusement su vous en occuper !