Les Larmes De Marie-Antoinette - Жюльетта Бенцони страница 9.

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— Encore ? Votre assassin doit tenir boutique d’articles de cotillons !

L’homme agenouillé près du corps et qui devait être le médecin légiste lui fit signe de se taire :

— Il n’est pas mort depuis une heure. Le corps est encore tiède…

Tout doucement, il tira l’arme – un vulgaire couteau de cuisine – qu’il tendit au mouchoir que présentait le commissaire. En même temps il dégagea le masque, le retourna et eut un hoquet de surprise en déchiffrant ce qui était écrit à l’envers sur la doublure.

— Bonté divine ! C’est la première fois que je vois ça.

À son tour Lemercier lut, étouffa un juron et passa l’objet à Morosini :

— Qu’en dites-vous ?

— Que ce n’est pas la bonne victime. Qu’y avait-il sur le premier masque ?

— Il est au laboratoire mais voici le texte, écrit comme celui-ci en lettres majuscules : « Les masques vont tomber et la Reine sera enfin vengée ! »

— Tiens donc ! C’est plutôt surprenant !

Le message, en effet, était identique à ceci près que l’on avait barré la seconde partie de la phrase et écrit, en dessous : « Désolé ! C’est une erreur ! »

— Une erreur ! fulmina Lemercier. Ce qui veut dire que ce type se serait trompé de personne et s’en serait aperçu trop tard ?

— On le dirait, remarqua le légiste. Sous le loup il y a une seconde blessure.

— Autrement dit, conclut Morosini, il recommencera. Comment s’appelle ce malheureux ?

Ce fut le chef jardinier accouru entre-temps qui lui répondit :

— Il s’appe… lait Hanel, Félicien Hanel, âgé de trente ans. Il ne travaillait pas ici depuis longtemps mais c’était un bon élément…

— Marié ? Père de famille ?

— Pas que je sache !

— Mais enfin comment peut-on se tromper de victime ? s’insurgea Aldo. Cela veut dire que le meurtrier ne connaissait pas celui qu’il voulait frapper ? Ou alors, à cause de ce chapeau de paille, il a été trompé par une silhouette ?… Et comme il a dû arriver par-derrière…

— Si j’ai besoin de votre avis, je vous le demanderai, aboya le commissaire. L’important, pour l’instant, est d’empêcher ces gens de venir voir ce qui se passe ici…

En effet, le Petit Trianon était interdit de visite pour les besoins de l’enquête, ce qui avait conduit à la fermeture de la porte Saint-Antoine le desservant ainsi que le Hameau. Toute une troupe, poussée par la curiosité, avait contourné l’obstacle en entrant par la place d’Armes, le palais et en traversant le parc. Elle fut aussitôt refoulée par un Lemercier furieux qui fit établir aussitôt des barrières de façon à préserver le site. Seuls les membres du Comité de l’exposition étaient autorisés et l’on vit arriver, accourus par le petit château, Mme de La Begassière, Quentin Crawford et lady Mendl. Inquiets sur le sort de leur œuvre, et habitant à proximité, près de la lisière du parc, ils étaient venus assurer la protection des nombreuses pièces prêtées et se rendre utiles si besoin en était.

Mme de La Begassière pleurait tout en discutant avec Crawford qui s’efforçait de la calmer.

— Nous ferions mieux de fermer « Magie d’une reine » au plus vite et de rendre aux collectionneurs ce qu’ils nous ont prêté. Sinon nous allons à la catastrophe, s’écria-t-elle.

— Ce serait folie ! Nous avons là un malheureux concours de circonstances mais renoncer serait dommage. Songez au mal que nous nous sommes tous donné !… Et aux besoins financiers de Versailles pour les réparations des Trianons et du Hameau de la Reine !

— Je dirai même que votre « malheureux concours » pourrait devenir bénéfique, émit lady Mendl. Restons fermé quelques jours jusqu’à ce que la police ait achevé son travail puis laissons revenir les visiteurs. Avec deux crimes dans le décor nous allons faire fortune !

— Vous êtes cynique, ma chère ! Absolument cynique, gémit la comtesse après s’être mouchée. Exploiter un pareil drame !… Je suis persuadée, mon cher prince, ajouta-t-elle en se tournant vers Aldo, que vous souhaitez reprendre vos biens et ceux de votre beau-père le plus tôt possible…

— Rien ne presse ! En revanche, ce que je voudrais savoir, c’est si, pendant que le meurtrier commettait son erreur, aucune autre pièce n’a été volée.

— Vérification faite, rien ne manque, assura l’inspecteur Bon, qui venait d’examiner les vitrines dont le mystère restait entier, aucun des trousseaux de clefs qui permettaient de les ouvrir n’ayant quitté les poches ou le bureau de leurs détenteurs…

Après un certain nombre d’investigations, la police fit enlever le corps du jardinier. On établit un cordon autour du lieu du crime puis, laissant ses hommes finir leurs recherches, Lemercier proposa à Aldo de le ramener :

— À une station de taxis, alors, puisque vous m’avez fait renvoyer le mien.

— Étes-vous si pressé ? coupa lady Mendl. Il me semble à moi que le Comité – la partie tout au moins qui travaille ! – devrait se réunir d’urgence. Je vous rappelle que, dans quinze jours, nous avons concert et fête au Hameau. Il me paraît difficile d’annuler : les invitations sont parties depuis belle lurette et presque tous ont accepté.

— C’est pourtant vrai, gémit Mme de La Begassière ! Je l’avais totalement oubliée, celle-là. Qu’allons-nous faire ? Imaginez que cet assassin même pas capable de savoir qui il tue recommence pendant la soirée !

Bonne organisatrice en temps normal, douée d’un heureux caractère et débordante de bonne volonté, la pauvre femme se sentait dépassée par les événements. Ce fut Crawford qui lui répondit :

— Il n’y a aucune raison d’annuler. Les frais engagés sont trop importants. Il suffira de faire tenir une invitation au commissaire Lemercier.

Celui-ci ayant donné son accord, lady Mendl proposa alors de réunir tout le monde chez elle le lendemain soir autour de la table du dîner.

— J’habite la villa Trianon, en lisière du parc. Vous serez des nôtres, commissaire ?

Celui-ci s’inclina :

— Merci, madame, mais je crains d’avoir trop à faire. Tenez-moi cependant au courant de ce que vous déciderez. À présent, partons, prince, si vous le voulez bien. Je vous ferai raccompagner, se hâta-t-il d’ajouter.

Aldo se serait volontiers attardé mais, peu désireux de ramener au noir une humeur qui semblait s’être considérablement adoucie, il se laissa emmener après avoir salué les personnes présentes. Il allait monter en voiture quand lady Mendl lui lança :

— Si Adalbert est à Paris, amenez-le !

Un pied déjà à l’intérieur, il se retourna, surpris :

— Adalbert ? Vous voulez dire Vidal-Pellicorne ?

— Il n’y en a qu’un pour moi avec un nom pareil ! fit-elle en riant. Pour vous aussi, j’imagine. Et je le connais depuis longtemps ! Soyez bon, venez avec lui.

— Avec plaisir !

Ça, c’était une bonne nouvelle ! Il comptait interroger le commissaire sur cette Anglaise qu’il ne connaissait pas, n’ayant découvert le Comité qu’à la veille de l’inauguration mais Adalbert ferait cela beaucoup mieux que lui et, puisque l’atmosphère était à la détente, il préférait employer le trajet à poser une question qui le tarabustait.

Il commença, prudemment, par demander :

— Si ce n’est pas contraire à votre enquête, j’aimerais savoir…

— … ce qu’il en est du faux bijou qui vous tourmentait tant ?

— Bravo : vous lisez dans les pensées…

— Je n’y ai pas grand mérite : c’est la seule chose qui pouvait vous intéresser dès le moment où vous n’aviez rien à voir avec le vol… et le meurtre. Eh bien, vous allez avoir une surprise : le joaillier Chaumet a reçu pendant la préparation de « Magie d’une reine » » une lettre d’une demoiselle Caroline Autié. Elle disait que sa famille avait possédé un bijou en diamants ayant appartenu à Marie-Antoinette mais se l’était fait voler et ne détenait plus qu’une copie réalisée par son grand-père. Elle demandait que l’on consentît à l’exposer avec les autres joyaux dans l’espoir que le voleur, ou tout au moins, le possesseur actuel, se manifesterait. Le bijou était joint à la lettre, l’expéditrice ajoutant qu’elle partait sur-le-champ pour Florence où une parente chère était au plus mal. Elle ne pouvait donc attendre la réponse et lui confiait son bien. S’il refusait de l’exposer, elle ne lui en voudrait pas et se contenterait de le reprendre, tout simplement…

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