L'Anneau d'Atlantide - Жюльетта Бенцони страница 3.

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Aldo qui, tout en s’activant, avait relaté sa soirée chez Maître Massaria et le meurtre brutal auquel il venait d’être mêlé, se décida enfin à extirper de sa poche le petit sachet pris dans la chaussette du mort : il adorait jouer avec la curiosité toujours en éveil de son ancien précepteur, sans compter la sienne.

— Voyons ce qu’il m’a confié ! fit-il en renversant le sachet sur la table.

Une bague en sortit. Un simple anneau façonné d’un métal plus clair que l’or dans lequel des formes géométriques composées de turquoises taillées étaient serties. Un instant, tous deux le contemplèrent, perplexes, car il ne ressemblait à rien de connu, puis Guy le prit du bout d’un index un peu tremblant :

— Incroyable ! s’exclama-t-il. Savez-vous ce qu’est ce métal ?

— Ne l’ayant jamais rencontré, j’avoue mon ignorance. Cela ressemble à de l’or.

— C’est de l’orichalque, mon ami ! Et c’est infiniment précieux ! Ce qui signifie que cet anneau nous arrive de la nuit des temps ! De l’Atlantide !

— L’Atlantide ? Le continent englouti ? Il aurait réellement existé ?

Les sourcils se froncèrent au-dessus des vifs yeux bruns éclairant le fin visage presque sans rides sous les épais cheveux blanc, Guy observa :

— Au temps où je vous enseignais, je croyais pourtant vous avoir parlé de Platon et du  Critias. Je n’ai pas l’impression de vous avoir beaucoup marqué !

— Vous n’y avez pas manqué, mais c’était selon moi à ranger parmi les légendes… et vous m’avez appris tellement de choses passionnantes sur d’étincelantes réalités ! Comment pouvez-vous être certain de la provenance… quasi miraculeuse, de cet anneau ? Vous n’avez pas hésité une minute sur l’origine de ce métal qui m’est totalement inconnu ?

— À l’époque de ma jeunesse, j’ai vu au British Museum de Londres un objet de cette matière. Une croix ansée égyptienne…

— Et l’étiquette collée dessous citait l’Atlantide ?

— Disons que, fidèles à leur prudence habituelle, les Anglais annonçaient « possibilité atlante » pour cette croix trouvée aux abords de la deuxième cataracte du Nil et datant d’environ sept mille ans avant notre ère… J’avoue qu’au fil des ans, j’en étais venu à l’oublier.

— La deuxième cataracte ? fit Aldo, songeur. Le mourant a fait allusion à Assouan qui est proche de la première. Mais, enfin, le fameux continent englouti n’a jamais rien eu à voir avec l’Égypte ?

— D’après certaines traditions et quelques rares auteurs, l’Égypte des pharaons aurait été colonisée par ces gens dont la civilisation était extrêmement développée et d’où elle aurait tiré les bases de son énorme potentiel scientifique. Vous avez d’ailleurs un interlocuteur de choix en la personne de votre ami Vidal-Pellicorne.

— Vous plaisantez ? Il va me rire au nez ! Surtout si je mentionne la « Reine Inconnue » ? Il va me renvoyer à Antinea, l’héroïne du bouquin de Pierre Benoit qui a eu tant de succès après la guerre… et m’assener d’un ton cassant qu’on ne badine pas avec l’Égypte antique !

— Si j’étais vous, j’essaierais quand même… et je vous rappelle qu’à deux pas d’ici un homme est mort ! conclut-il, un rien sévère.

— C’est vrai, admit Aldo. J’avoue que je l’oubliais. Quant à Adalbert, Dieu seul sait où il se trouve ! En Égypte sans doute, mais c’est vaste, l’Égypte, et comme il ne donne jamais de ses nouvelles…

— Téléphonez à Paris ! Son valet Théobald vous renseignera peut-être ?

Aldo regarda son ancien précepteur avec curiosité :

— Ma parole, elle vous tracasse, cette histoire ?

— Je l’avoue, et je pense qu’elle vous tracasserait également si, au lieu d’être un simple anneau orné de turquoises, il s’agissait d’un somptueux rubis ou de mystérieuses émeraudes, mais…

— Je n’ai pas la passion des bijoux égyptiens qui manquent d’éclat, à l’exception des perles. Selon moi, les placards d’or de Tout-Ank-Amon ne sont rien en comparaison du Régent ou du Koh-I-Noor. Ce qui ne veut pas dire cependant que l’affaire de cette nuit ne m’intéresse pas. J’espère en apprendre un peu plus en fin de matinée. Salviati m’attend à onze heures pour signer ma déposition.

Il allait se resservir du café, mais Guy l’en empêcha :

— Tâchez donc de dormir une heure ou deux ! Cela serait plus raisonnable !

— Comme toujours, vous avez raison.

Il partit se coucher mais ne dormit pas pour autant. Cette mort étrange, le visage douloureux de la victime le hantaient, surtout lorsque lui revenait à l’esprit le bizarre sentiment de frustration qu’il avait éprouvé en parcourant les rues nocturnes de sa chère ville. La relativement modeste bague d’orichalque et de turquoises appartiendrait-elle à la redoutable confrérie des joyaux « rouges » ? Ceux qui traînent derrière eux le sang de leurs victimes ? En ce cas, ce pourrait être la réponse du destin à un désir informulé… et il était préférable que Lisa ne fût pas dans les parages. Elle aurait tôt fait de le convaincre de remettre l’inquiétant objet entre les mains du commissaire. Parce que les aventures, elle commençait à les détester franchement !

Mais Lisa était à des kilomètres et, en replaçant l’anneau dans sa poche après avoir eu avec lui un long tête-à-tête, Aldo se trouva tout à coup beaucoup plus serein. Après tout, c’était à lui que l’homme s’était confié en prononçant le mot « Gardez ! ». C’était… oui, c’était une question d’honneur ! Et quand il en fut à ce stade, il se releva, enfila sa robe de chambre et ses pantoufles avant de descendre dans son cabinet de travail où trônait un imposant – et assez rare ! – coffre médiéval, scellé dans les dalles pour pallier toute tentative d’enlèvement et nanti à l’intérieur d’un système perfectionné qui en faisait le plus inviolable des gardiens. Il y enferma le petit sachet noir puis s’en retourna dans son lit en sifflotant une ariette de Mozart.

— Nous n’avons pas eu à chercher loin pour en savoir davantage sur notre inconnu, dit le commissaire en serrant la main de son visiteur. Il était descendu au Danieli…

— Comment avez-vous eu l’idée d’aller les questionner ?

— Le linge qu’on lui avait laissé était de belle qualité. En outre, c’était visiblement un homme soigné. Ils n’ont fait aucune difficulté quand nous leur avons présenté sa photo.

— Et il s’appelait ?

— Gamal El-Kouari, diplomate venant de Londres et se rendant au Caire où nous avons son adresse. Vous savez que les hôtels sont tenus de conserver les papiers d’identité de leurs clients de passage jusqu’à leur départ.

— Je sais. C’est même l’un des « charmes » de notre pays…

— Remarquez, cela ne dérange guère les truands. Ils ont généralement deux ou trois passeports à leur disposition. Mais je ne crois pas que celui-là appartienne à la corporation. Son passeport indique qu’il voyageait beaucoup. Peut-être un de ces attachés d’ambassade plus ou moins itinérants qui ressemblent comme des frères à des agents secrets.

— Cela ne nous apprend pas ce qu’il faisait la nuit dernière dans les ruelles près du Campo San Polo ?

Le sourire en coin étirant d’un côté les lèvres minces de Salviati fit regretter à Aldo ce qu’il venait de dire. En particulier lorsqu’il entendit :

— Pourquoi pas ce que vous y faisiez vous-même : rentrer de dîner chez des amis ?

Aldo sortit son étui à cigarettes de sa poche, en prit une qu’il tapota sur la brillante surface d’or gravée à ses armes, se donna le temps de l’allumer avant de faire observer :

— Moi, j’étais à deux pas de chez moi, ce qui n’était pas son cas et, pour regagner le Danieli depuis San Polo, une embarcation empruntant les canaux secondaires eût été plus confortable… et plus sûre. À fortiori pour un homme qui n’était plus de la première jeunesse.

— Sans doute mais chacun voit midi à sa porte. Il ne vous a vraiment rien dit avant de mourir ?

« Est-ce que par hasard les méthodes du  Fascio commenceraient à déteindre sur ce bon Salviati ? » pensa Aldo. Après s’être accordé quelques secondes de réflexion supplémentaires, il fit la moue :

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