La collection Kledermann - Жюльетта Бенцони страница 8.

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— Partez tranquille, ma chère ! Vous avez bien fait de venir me parler avec tant de franchise et vous pouvez emporter la certitude que je ferai tout mon possible pour que les traces de ce drame s’effacent… peut-être à la longue mais définitivement.

— Vous me donnerez des nouvelles ?

— Je vous le promets. Comptez-vous rester quelques jours à Paris ?

— J’aurais désiré attendre… qu’il entre en convalescence, mais mon frère estime qu’il est préférable de rentrer le plus rapidement possible…

— Il sait ce qui s’est passé entre vous ?

— Bien sûr. Nous sommes de vieux complices et, en conseillant un prompt retour chez nous, c’est à moi qu’il pense. Et il a raison : je n’ai été exposée que trop longtemps à la curiosité publique. Aussi ne ferons-nous que toucher terre à Paris pour reprendre les bagages restés au Ritz. Dans trois jours nous serons en mer… Ensuite ce sera New York… et surtout ma maison de Washington Square et mon atelier !

— Vous ne craignez pas d’y être assiégée par la presse ?

— Mes serviteurs en font un véritable havre de paix ! En outre, si le besoin s’en faisait sentir, je pourrais toujours chercher refuge dans l’une des nombreuses propriétés familiales… et vous pouvez faire confiance à John-Augustus pour veiller à ma tranquillité ! Il me reste à vous dire adieu…

— Ce n’est pas un mot que j’aime ! Surtout à mon âge ! Je lui préfère de beaucoup « au revoir » mais il en sera ce que le destin voudra ! Laissez-moi vous embrasser !

Les deux femmes s’étreignirent. Pauline disparut dans le couloir menant à sa chambre mais Mme de Sommières resta au seuil de la sienne jusqu’à ce qu’elle eût entendu la porte se refermer puis elle s’avança de deux pas :

— Sortez de votre poste d’écoute, Adalbert !

— Vous saviez que j’étais là ?

— Ce siège est vaste mais vous êtes trop grand pour qu’il n’y ait pas un morceau de votre carcasse qui ne dépasse ! Vous n’avez pas vu Plan-Crépin ?

— Si ! Elle m’a dit que vous receviez Pauline après quoi elle est partie chez le pharmacien !

— Étrange ! J’aurais cru que rien ne pourrait l’éloigner de cette porte ! Il est vrai qu’elle a dû compter sur vous pour lui faire un rapport et je suppose que vous avez entendu ? Mais entrez donc !

— J’ai seulement entendu ce que vous vous êtes dit sur le palier ! Elle est venue vous faire ses adieux ?

— Oui ! Pauvre femme ! Elle est ravagée d’angoisse par l’état d’Aldo et donnerait n’importe quoi pour avoir le droit de rester auprès de lui à attendre qu’il ouvre les yeux et lui sourie. Pourtant elle va interposer entre eux un océan !

— Elle ne peut guère agir autrement ! Imaginez ce que cela donnerait si elle et Lisa se retrouvaient face à face ?

— Elle le sait et se reproche cruellement d’avoir rejoint Aldo dans son train. C’est, je pense, ce qu’elle explique dans la lettre que voici, dit Mme de Sommières en prenant sur un petit secrétaire une longue enveloppe bleue. Elle m’a demandé de la remettre à Lisa !

— Qui la déchirera sans la lire !

— Non, parce que je serai là ! C’est pourquoi elle me l’a remise à moi au lieu de la poster. Je sais ce qu’elle contient et je peux vous jurer que Lisa en prendra connaissance, dussé-je la lui lire ! Oh, pendant que j’y pense…

Elle alla chercher son écritoire de voyage en maroquin bleu, glissa l’enveloppe dans l’un des compartiments, referma la patte de cuir à l’aide de la minuscule clef qu’elle mit dans une poche de sa robe.

— Voilà ! fit-elle enfin avec satisfaction. La meilleure façon d’éviter les tentations est encore de ne pas les susciter !

— Vous craignez Marie-Angéline à ce point ? sourit Adalbert amusé.

— Je crains surtout son habileté manuelle : elle est très capable d’en prendre connaissance sans laisser la moindre trace. Et elle déteste trop Pauline pour réagir autrement qu’en s’en moquant ! Or, cette lettre – particulièrement émouvante ! – ne mérite pas un tel sort !

— Si elle réussissait à la lire, elle n’aurait sûrement pas l’idée de vous en faire la critique !…

— N’en soyez pas si persuadé ! Quand elle prend feu, aucun raisonnement ne peut contenir l’éruption ! Mieux vaut ne pas prendre de risques !

Un instant, Adalbert observa la vieille dame en silence. Elle réagit aussitôt :

— Pourquoi me regardez-vous ainsi ? À quoi pensez-vous ?

— À Pauline Belmont ! J’ai dans l’idée que vous l’aimez bien en dépit des dégâts qu’elle a occasionnés ?

— C’est exact ! Elle est une femme selon mon cœur et ce n’est pas sa faute si elle est profondément amoureuse d’Aldo ! Cela ne veut pas dire que je n’aime plus Lisa. Je sais parfaitement ce que son mari lui a fait endurer. Simplement je voudrais qu’elle soit moins tranchante dans ses jugements, qu’elle essaie d’admettre parfois le point de vue de l’autre et qu’elle nous fasse un peu confiance à Plan-Crépin et à moi quand nous plaidons pour son mari !

— Oh, je suis logé à la même enseigne ! Dieu sait pourtant que je n’ai jamais mâché mes paroles quand j’ai quelque chose à lui reprocher !… Il m’arrive même de dépasser les bornes !

— Bah ! Entre vous deux cela fait partie du jeu ! Et l’existence s’en trouve pimentée. En tout cas je peux jurer sur ce qu’elle voudra : la tête de son époux, l’Évangile ou le salut de mon âme que lors de l’affaire du train, Aldo l’a pris justement pour fuir Pauline. Si elle n’avait pas eu la malencontreuse idée de le rejoindre, tout ce gâchis aurait été évité !… Malheureusement elle est très belle et Aldo a le sang chaud !

— En toute honnêteté, je me demande si, à sa place, j’aurais pu conserver le mien au frais ! N’importe comment, il va tout de même falloir que Lisa donne quelques explications sur son départ de la Croix-Haute…

— Et pour cela la faire revenir ? Il est temps, je crois, de lui apprendre qu’elle a failli devenir veuve… et que le risque perdure !

Quand, après avoir erré interminablement dans des abîmes ténébreux, douloureux aussi par instants, peuplés des formes obscures des cauchemars, traversés par la lumière des visages familiers, Aldo émergea enfin à la clarté d’une vie normale, il sentit que quelqu’un lui tenait le poignet et vit, penché sur lui, le regard attentif d’un homme en blanc coiffé d’un bonnet :

— Docteur ! souffla-t-il sans rien trouver d’autre à dire, mais ce mot banal amena un sourire :

— Ah ! Vous avez enfin décidé de nous revenir ?… J’espère que cette fois c’est la bonne ! Comment vous sentez-vous ?

— Fatigué… mais c’est à peu près tout !

— Pas de douleurs ?

— Nnn… on ! J’ai eu très mal à la tête mais plus maintenant. Cependant j’ai l’impression d’être passé sous un rouleau compresseur !

— On va vous regonfler. Pour l’instant je vais vous examiner ! Relevez-le, Vernon !

Ces derniers mots s’adressaient à l’infirmière d’une quarantaine d’années, grande et forte, entre les mains de laquelle Aldo eut l’impression de ne rien peser. Il se laissa faire sans mot dire, puis quand tout fut terminé, il demanda :

— Où est-ce que je suis ?

Le chirurgien eut un rire malicieux :

— Ce n’est pas la formule adéquate. On dit : « Où suis-je ? », dans les bons romans, sans oublier un air languissant… qui ne vous irait vraiment pas ! Mais pour vous répondre : vous êtes à l’hôpital de Tours et c’est moi, docteur Lhermitte, qui ai eu le privilège de vous raccommoder. Quel souvenir gardez-vous de votre… accident ?

— Le château de la Croix-Haute… Des flammes… beaucoup de bruit. Des éclairs lumineux… puis l’air libre… une détonation… et plus rien !

— C’est déjà pas mal !

— Ma famille… est-ce qu’elle est là ? Il me semblait avoir reconnu ma grand-tante… ma cousine… mon ami Adalbert ?…

— Vous les avez vus effectivement mais ensuite vous avez eu… un caprice !

— Je suis là depuis combien de temps ?

— Quatre jours.

— Et… ma femme ?

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