Various - Choix de contes et nouvelles traduits du chinois стр 6.

Шрифт
Фон

Le vieux jardinier l'arrêta par ses babils, et eût donné sa vie plutôt que de le lâcher. Seigneur, criait-il, assommez le vieux Chinois, tuez-le, mais il ne vous laissera pas arracher ses fleurs.

Quel détestable vieillard, s'écrièrent tous en chœur les amis de Tchang-Oey. Sa Seigneurie cueille des fleurs, qu'y a-t-il donc là de si grave? Parce que vous prenez de grands airs, croyez-vous que vous lui ferez peur et que vous l'en empêcherez; et les voilà tous qui s'en vont en désordre cueillir les pivoines.

Le pauvre vieillard, hors de lui, implorait le secours du ciel; il avait lâché Tchang-Oey, et il prodiguait sa vie pour arrêter le pillage. Mais tandis qu'il attaquait à droite, il ne pouvait avoir l'œil à gauche. En une minute, bien des fleurs avaient été enlevées. Tsieou-Sien, accablé de chagrin, se mit à injurier cette troupe désordonnée: Bandits, canaille, vous franchissez sans motif le seuil de ma porte pour venir m'injurier, me vilipender; vous voulez ce jardin qui est ma vie, et pourquoi faire? Alors s'élançant vers Tchang-Oey, il le pousse avec une violence terrible. Le jeune homme avait trop bu, ses jambes n'étaient pas solides, et il roula à terre la tête la première.

Les amis de celui-ci crièrent à l'infamie; sa Seigneurie est renversée!  Laissant là les fleurs, ils se précipitèrent sur le vieillard pour le frapper. Mais parmi eux se trouvait un homme d'un âge plus mûr, qui songeant aux cinquante ans dont Tsieou-Sien était chargé, craignit que ces fous ne s'exposassent à de fâcheuses affaires en battant un vieillard: il calma ses compagnons. Tchang-Oey était remis sur pied.

Mais cette chute n'avait fait que remuer la bile qu'il portait dans le cœur; il court et brise les boutons avec acharnement, le sol en est jonché de toutes parts. Ce n'est pas assez, il saule au milieu des pivoines et les foule aux pieds: quelle pitié! de si belles fleurs!

Le vieillard a châtié d'un bras robuste cette troupe ivre et
méchante;
Ces charmantes fleurs ont en un instant cessé d'exister:
Comme si elles eussent péri victimes du vent et de la grêle,
Elles pleuvent en désordre comme un nuage de pourpre,
sans que personne les recueille.

Dans son indignation, Tsieou-Sien invoquait le ciel et la terre: tout le jardin était bouleversé. Les voisins entendant les cris et les gémissements qui sortent de l'enclos, s'y rendent en masse, et ils voient cette troupe de scélérats occupés à couvrir la terre de débris de fleurs et de branches. Les habitants du village manifestent leur surprise, s'avancent vers les jeunes gens pour les engager à cesser leur œuvre de destruction, et demandent ce que tout cela veut dire. Au milieu d'eux il y avait deux ou trois fermiers de Tchang-Oey, qui abandonnèrent le parti du vieillard pour celui de ses ennemis; leur premier sentiment s'évanouit, leur colère se calma, et ils accompagnèrent jusqu'à la porte leur maître qui criait: Vous l'avez entendu, ce scélérat de vieillard l'a dit devant vous, il m'a bien cédé son jardin, aussi je l'ai épargné; mais qu'il n'ajoute pas un mot, ou je lui apprendrai à mesurer ses paroles! Et là-dessus il partit en manifestant la haine qu'il avait dans le cœur.

Paroles d'ivrogne, dirent les gens du village qui s'aperçurent bien que le jeune seigneur avait bu, paroles d'ivrogne, dites sans intention! Alors ils retournèrent vers le vieillard et le firent asseoir sur les marches de la cour, cherchant à consoler le pauvre jardinier qui s'abandonnait à l'expression de sa douleur; puis ils prirent congé de lui et eurent l'attention de fermer la porte de l'enclos.

Chemin faisant, les uns, surpris de l'obstination avec laquelle ce vieillard avait toute sa vie refusé l'entrée de son jardin, se mirent à dire: Ce vieux Monsieur est vraiment d'une originalité, d'une bizarrerie inexcusable; voila ce qui lui attire de semblables affaires. L'expérience d'un premier malheur le garantira sans doute d'un second. Cependant d'autres, doués d'une raison plus éclairée, disaient aussi: Ne proférez pas des paroles si opposées aux principes de la justice; les anciens avaient coutume de dire: «La culture demande une année, et la fleur ne se montre que pendant dix jours. » Le curieux, frappé de leur éclat, s'écrie: Ah! les belles plantes!  et voilà tout. Mais comprend-il tous les soins, toutes les peines de celui qui les a mises en terre? Si vous ignorez les travaux qu'exige cette profession, ne vous étonnez pas au moins que le cultivateur en les voyant enfin couvertes de fleurs, ressente pour elles de la tendresse et de la compassion.

Mais revenons à notre vieillard: il n'avait pu s'éloigner de ses fleurs mortes; courant vers elles, il les recueillit dans sa main et se mit à les examiner avec soin. Il les vit foulées aux pieds, flétries, maltraitées, arrachées de leur tige, salies, souillées de boue. Accablé de douleur, il s'écria: O fleurs que j'ai toute ma vie tant aimées et si bien protégées! Moi qui n'eusse pas voulu toucher une seule de vos feuilles, pouvais-je prévoir le malheur qui vient de fondre sur vous!

Ainsi il se lamentait, lorsque derrière lui se fit entendre une voix humaine qui disait: Tsieou-Sien, qu'as-tu donc à te désoler ainsi? Tsieou-Sien se détourne, et il voit devant lui une jeune fille de seize ans environ, gracieuse et belle, vêtue avec goût et simplicité. Le vieux jardinier ne connaissait nullement cette jeune personne. Il suspend le cours de ses larmes et lui adresse cette question: Qui êtes-vous donc, Mademoiselle, et qu'est-ce qui vous amène ici?

Je suis, répond la jeune fille, votre proche voisine; j'ai appris que vous avez dans votre jardin de magnifiques pivoines en pleine fleur, et je viens tout exprès pour les admirer: il est à croire qu'elles ne sont pas encore fanées. A ce mot de pivoines, Tsieou-Sien se mit à sangloter de nouveau. Quelle triste aventure vous est donc arrivée, demanda la jeune fille, que vous vous désolez ainsi? Et le pauvre jardinier lui raconte les violences exercées par le jeune seigneur. C'est là, reprend-elle en souriant, la cause de vos chagrins! vous serait-il agréable que les fleurs reparussent sur leur tige? Mademoiselle, répond Tsieou, ne vous jouez pas de moi: quand la fleur a quitté la branche, est-il un moyen de l'y replacer? Mes ancêtres, ajouta la jeune inconnue, m'ont transmis un art magique au moyen duquel je puis opérer ce prodige; j'ai réussi toutes les fois que j'en ai fait l'essai.

A ces mots la douleur de Tsieou se changea en joie; et il s'écria; Quoi! est-il bien vrai que vous possédiez cet art surnaturel? Et pourquoi pas, répond la jeune fille? Le vieillard était tombé à ses pieds et lui exprimait ainsi sa reconnaissance: Mademoiselle, daignez employer cet art magique; il sera au-dessus des forces du vieux Chinois de vous en témoigner sa gratitude, mais à chaque fleur qui s'épanouira il ira vous inviter à la venir voir.

A lieu de me remercier ainsi, reprit l'inconnue, allez puiser un peu d'eau. Le vieillard s'empresse d'obéir, mais il lui revient à l'esprit ces pensées: Possède-t-elle cette magique puissance? ah! non Voyant mes larmes et ma douleur, cette jeune fille est venue se rire de moi: pourtant, elle m'est tout à fait étrangère; qui l'a donc amenée près de moi? Non, elle mérite toute confiance Et il se hâte d'emplir sa cruche d'une eau limpide, puis retourne la tête; cependant, la jeune fille a disparu, et toutes les fleurs ont repris leur place sur les tiges, il n'en est pas resté une seule oubliée à terre.

Précédemment, chacune d'elles avait une couleur distincte, et maintenant, il y a cela de changé que la rouge est marbrée, celle d'une nuance plus pâle porte au fond de son disque une teinte foncée; chaque pied réunit les cinq couleurs, et les voilà toutes plus brillantes, plus étincelantes qu'auparavant.

Ваша оценка очень важна

0
Шрифт
Фон

Помогите Вашим друзьям узнать о библиотеке

Скачать книгу

Если нет возможности читать онлайн, скачайте книгу файлом для электронной книжки и читайте офлайн.

fb2.zip txt txt.zip rtf.zip a4.pdf a6.pdf mobi.prc epub ios.epub fb3

Похожие книги