Various - La vita Italiana nel Risorgimento (1831-1846), parte III стр 5.

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Mais revenons à Lamartine, ou plutôt élevons-nous au-dessus de notre sujet pour conclure par une considération plus générale à laquelle il nous conduit. Il y eut un temps où une nation pouvait raffoler de la littérature, de l'art, des modes d'une autre et demeurer profondément indifférente à ses destinées, la combattre, l'asservir. Il n'en est plus ainsi, du moins chez les nations généreuses. (Car chaque peuple a sa grandeur, mais il y en a dont la grandeur consiste dans la ténacité prévoyante, hardie, implacable, avec laquelle ils poursuivent leur perpétuel agrandissement). Aujourd'hui donc, du moins chez certains peuples, aimer la littérature ou l'art d'un autre nation conduit à l'aimer elle même. D'où vient ce changement? Serait-ce que l'amour de la patrie s'affaiblirait et que tout lecteur devient un dilettante? S'il en était ainsi, il faudrait, non pas féliciter, mais plaindre l'humanité. Le progrès ne consiste pas à niveler les frontières; c'est une duperie de ne pas aimer par-dessus tout son propre pays; car on ne vous rendrait pas partout la pareille. Le jour où les honnêtes gens s'entendraient pour laisser la nuit la clef sur leur porte, il y aurait toujours assez de voleurs pour les dévaliser; de même, la nation qui s'imaginerait que l'ère des guerres, des conquêtes même est close, serait certaine d'être bientôt envahie et partagée. Puis, toutes les vertus civiles sont suspendues en quelque sorte à la vertu militaire, et s'affaissent quand elle tombe; sans doute la vie civile offre des occasions d'exercer notre courage, mais on s'y dérobe quand le sacrifice dans sa forme la plus haute n'est plus pratiqué; l'histoire de tous les peuples qui ont renoncé à la gloire militaire le prouve. Mais, si un Châteaubriand, un Lamartine passent de l'admiration pour les grands écrivains et le sol de l'Italie à la sympathie pour ses aspirations, c'est que l'on commence à comprendre que la conquête, toujours à redouter, n'est point à louer, et que, prendre une province malgré elle à un peuple, c'est souffleter sur la joue de ce peuple le droit du genre humain. Pour peu donc que cette nation cesse d'être une inconnue pour nous, ses souffrances font brêche dans notre égoïsme, et nous ressentons l'outrage qu'au fond nous avons reçu en sa personne. Puis, nous comprenons que de nos jours un peuple asservi souffre plus qu'autrefois. Jadis une ville se résignait souvent sans trop de peine à passer d'une nation à une autre, parce que ce n'était au fond que changer de maître: le nouveau souverain n'exigeait pas toujours des tributs plus lourds que l'ancien, et, la conscription n'existant pas, ne demandait point à ses nouveaux sujets de se battre au besoin contre leurs frères de la veille. Berchet nous a éloquemment appris, dans Giulia, les tortures du conscrit obligé de revêtir un uniforme abhorré. Mais, dira-t-on, dans les littératures modernes, les œuvres des classiques sont en partie nées dans des époques où l'homme de lettres, au moins dans son cabinet, oubliait qu'il avait une patrie: comment donc l'étude de ses œuvres, qui nous attache à lui, nous attacherait-elle à ses compatriotes, surtout à ses compatriotes d'aujourd'hui?  La réponse est dans les progrès de la critique. Autrefois on considérait un ouvrage comme une pure composition littéraire, sortie toute entière du génie de l'auteur et des principes de l'école à laquelle il appartenait; aujourd'hui nous considérons un auteur comme un homme qui exprime, sans y penser, tantôt les vertus ou les défaillances de sa génération, tantôt les traits dominants de sa race. Notre admiration pour lui excite par conséquent notre intérêt pour ses compatriotes. Nous goûtons comme nos pères l'incroyable dextérité avec laquelle Arioste nous fait passer d'une historiette à une autre, mais nous ne le rendons plus seul responsable de l'enjouement qu'il garde au milieu des malheurs de sa patrie; quand Machiavel conseille aux princes d'affecter toutes les vertus, mais de ne pas les avoir, nous plaignons l'Italie dont l'infortune ne laissait plus alors d'espoir que dans la cruauté, pour ainsi dire, économique d'un Cesare Borgia. L'étude des littératures étrangères est le meilleur préservatif contre les engouements de la mode et contre les velleités d'une injuste ambition; car, en même temps qu'elle nous fait admirer le génie des autres peuples, elle nous fait comprendre combien il est différent du nôtre et par suite quelle folie c'est que de vouloir l'imiter ou que de prétendre l'asservir. Si, par hasard, ce génie s'éloigne moins du nôtre parce que c'est celui d'une nation sœur, tout ce qui nous est permis, c'est de faire ce qu'ont fait Châteaubriand et Lamartine, à savoir de l'aimer.

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