Maximilien Robespierre - Discours par Maximilien Robespierre 21 octobre 1789-1er juillet 1794 стр 11.

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Jusqu'à ce que nos moeurs soient changées, il y aura de l'intrigue, de la faveur partout où un corps, ou quelques hommes seront les dispensateurs de quelques avantages que ce soit. La formalité du concours laissera subsister ces inconvénients. Trois membres du tribunal et deux hommes de loi décideront, à la pluralité de trois voix données secrètement et au scrutin. Les deux hommes de loi jalouseront, craindront le mérite éclatant. Si un juge se range de leur parti, toutes les chances sont nécessairement contre le plus digne: alors vous ne verrez plus dans le sanctuaire de la justice ces hommes sensibles, capables de se passionner pour la cause des malheureux, et par conséquent seuls dignes de la défendre; ces hommes intrépides et éloquents, appuis de l'innocence et fléaux du crime; la faiblesse, la médiocrité, l'injustice et la prévarication les redouteront; ils en seront toujours repoussés; mais vous verrez accueillir des gens de loi sans délicatesse, sans enthousiasme pour leurs devoirs, et poussés seulement dans une noble carrière par un vil intérêt. Ainsi vous dénaturez, vous dégradez des fonctions précieuses à l'humanité, essentiellement liées au progrès de l'esprit public, au triomphe de la liberté; ainsi vous fermez cette école de vertus civiques où les talents et le mérite apprendraient, en plaidant la cause du citoyen devant les juges, à défendre un jour celle du peuple parmi les législateurs. Chez quel peuple libre a-t-on jamais conçu l'idée d'une pareille institution? Ces citoyens illustres qui, en sortant des premières magistratures, où ils avaient sauvé l'Etat, venaient devant les tribunaux sauver un citoyen opprimé, avaient-ils pris l'attache des édiles, ou des juges qu'ils venaient éclairer? Les Romains avaient-ils des tableaux, des concours et des privilèges? Quand Cicéron foudroyait Verrès, avait-il été obligé de postuler un certificat auprès d'un directoire et de faire un cours de pratique chez un homme de loi? Oh! les Verrès de nos jours peuvent être assez tranquilles; car le système du comité n'enfantera pas des Cicérons. Ne vous y trompez pas, on ne va point à la liberté par des routes diamétralement opposées. Si le législateur ne se défend pas de la manie qu'on a reprochée au gouvernement, de vouloir tout régler, s'il veut donner à l'autorité ce qui appartient à la confiance individuelle, s'il veut faire lui-même les affaires des particuliers, et mettre pour ainsi dire les citoyens en curatelle, s'il veut se mettre à ma place pour choisir mon défenseur et mon homme de confiance, sous le prétexte qu'il sera plus éclairé que moi sur mes propres intérêts, alors, loin d'établir la liberté politique, il anéantit la liberté individuelle et appesantit à chaque instant sur nos têtes le plus ridicule et le plus insupportable de tous les jougs.

On voudra peut-être défendre le plan du comité, eu observant qu'il admet des défenseurs officieux; mais cette disposition ne justifie pas l'institution d'un corps d'hommes de loi privilégiés; elle en fait mieux ressortir les vices et l'inutilité. Le comité lui-même rend cette disposition illusoire: il exige que, pour avoir communication des pièces de la partie adverse, le défenseur officieux se rende chez l'homme de loi qui défendra cette partie. Il donne aux juges le droit d'exclure du tribunal les officieux, après deux injonctions successives pour n'avoir pas observé la décence et le respect envers ce tribunal, termes vagues qui s'interpréteront suivant les intérêts, les caprices, les degrés de morgue, de faiblesse ou d'ignorance; pour avoir manqué de modération à l'égard de la partie adverse, ce qui n'est pas plus déterminé; pour avoir manqué d'exactitude dans l'exposition des faits et des moyens de la cause. Or, comme un procès suppose des faits litigieux ou des moyens susceptibles de discussion, il s'ensuit que nul défenseur officieux ne sera à l'abri de l'interdiction déshonorante, puisqu'il suffit qu'il ne soit pas infaillible, ou même simplement que les juges aient, sur les faits et les moyens de la cause, une opinion différente de la sienne, c'est-à-dire qu'il faudra qu'il gagne sa cause à peine d'interdiction... Mais quoi! donner à des juges le droit de dépouiller ignominieusement les citoyens sans aucune forme de procès, du plus touchant, du plus sacré de leurs droits, celui de défendre leurs semblables! Quels principes! Occupons-nous moins de décence, de morgue, de la dignité du tribunal, de modération, d'exactitude. La justice, l'humanité, l'égalité, la liberté, la loi, voilà les premiers intérêts du législateur, voilà les objets du culte des hommes libres...

Je conclus et je me borne à établir ce principe, qui me paraît devoir être l'objet actuel de votre délibération et de votre premier décret: "Tout citoyen a le droit de défendre ses intérêts eu justice, soit par lui-même, soit par celui à qui il voudra donner sa confiance."

Maximilien Robespierre (1758-1794), Discours non prononcé mais publié en décembre 1790 sur l'organisation des gardes nationales, par Maximilien Robespierre, membre de l'Assemblée nationale (décembre 1790)

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