Морис Метерлинк - L'oiseau bleu: Féerie en six actes et douze tableaux / Синяя птица. Книга для чтения на французском языке стр 2.

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MYTYL. ?…

TYLTYL. Nous allons nous lever…

MYTYL. C’est défendu…

TYLTYL. Puisqu’il n’y a personne… Tu vois les volets?…

MYTYL. Oh! qu’ils sont clairs!…

TYLTYL. C’est les lumières de la fête.

MYTYL. Quelle fête?

TYLTYL. En face, chez les petits riches. C’est l’arbre de Noël. Nous allons les ouvrir…

MYTYL. Est-ce qu’on peut?

TYLTYL. Bien sûr, puisqu’on est seuls… Tu entends la musique?… Levons-nous…

[Les deux enfants se lèvent, courent à l’une des fenêtres, montent sur l’escabeau et poussent les volets. Une vive clarté pénètre dans la pièce. Les enfants regardent avidement au dehors.]

TYLTYL. On voit tout!…

MYTYL [qui ne trouve qu’une place précaire sur l’escabeau.] Je vois pas…

TYLTYL. Il neige!… Voilà deux voitures à six chevaux!…

MYTYL. Il en sort douze petits garçons!…

TYLTYL. T’es bête!… C’est des petites filles…

MYTYL. Ils ont des pantalons…

TYLTYL. Tu t’y connais… Ne me pousse pas ainsi!…

MYTYL. Je t’ai pas touché.

TYLTYL [qui occupe à lui seul tout l’escabeau]. Tu prends toute la place…

MYTYL. Mais j’ai pas du tout de place!…

TYLTYL. Tais-toi donc, on voit l’arbre!…

MYTYL. Quel arbre?…

TYLTYL. Mais l’arbre de Noël!… Tu regardes le mur!…

MYTYL. Je regarde le mur parce qu’y a pas de place…

TYLTYL [lui cédant une petite place avare sur l’escabeau.]. Là!… En as-tu assez?… C’est-y pas la meilleure?… Il y en a des lumières! Il y en a!…

MYTYL. Qu’est-ce qu’ils font donc ceux qui font tant de bruit?…

TYLTYL. Ils font de la musique.

MYTYL. Est-ce qu’ils sont fâchés?…

TYLTYL. Non, mais c’est fatigant.

MYTYL. Encore une voiture attelée de chevaux blancs!…

TYLTYL. Tais-toi!… Regarde donc!…

MYTYL. Qu’est-ce qui pend là, en or, après les branches?…

TYLTYL. Mais les jouets, pardi!… Des sabres, des fusils, des soldats, des canons…

MYTYL. Et des poupées, dis, est-ce qu’on en a mis?…

TYLTYL. Des poupées?… C’est trop bête; ça ne les amuse pas…

MYTYL. Et autour de la table, qu’est-ce que c’est tout ça?…

TYLTYL. C’est des gâteaux, des fruits, des tartes à la crème…

MYTYL. J’en ai mangé une fois, lorsque j’étais petite…

TYLTYL. Moi aussi; c’est meilleur que le pain, mais on en a trop peu…

MYTYL. Ils n’en ont pas trop peu… Il y en a plein la table… Est-ce qu’ils vont les manger?…

TYLTYL. Bien sûr; qu’en feraient-ils?…15

MYTYL. Pourquoi qu’ils ne les mangent pas tout de suite?…

TYLTYL. Parce qu’ils n’ont pas faim…

MYTYL [stupéfaite]. Ils n’ont pas faim?… Pourquoi?…

TYLTYL. C’est qu’ils mangent quand ils veulent…

MYTYL [incrédule]. Tous les jours?…

TYLTYL. On le dit…

MYTYL. Est-ce qu’ils mangeront tout?… Est-ce qu’ils en donneront?…

TYLTYL. À qui?…

MYTYL. À nous…

TYLTYL. Ils ne nous connaissent pas…

MYTYL. Si on leur demandait?…

TYLTYL. Cela ne se fait pas.

MYTYL. Pourquoi?…

TYLTYL. Parce que c’est défendu.

MYTYL [battant des mains]. Oh! qu’ils sont donc olis!…

TYLTYL [enthousiasmé]. Et ils rient et ils rient!…

MYTYL. Et les petits qui dansent!…

TYLTYL. Oui, oui, dansons aussi!…

[Ils trépignent de joie sur l’escabeau.]

MYTYL. Oh! que c’est amusant!…

TYLTYL. On leur donne les gâteaux!… Ils peuvent y toucher!… Ils mangent! ils mangent! ils mangent!…

MYTYL. Les plus petits aussi!… Ils en ont deux, trois, quatre!…

TYLTYL [ivre de joie]. Oh! c’est bon!… Que c’est bon! que c’est bon!…

MYTYL [comptant des gâteaux imaginaires.] Moi, j’en ai reçu douze!…

TYLTYL. Et moi quatre fois douze!… Mais je t’en donnerai…

[On frappe à la porte de la cabane.]

TYLTYL [subitement calmé et effrayé]. Qu’est-ce que c’est?…

MYTYL [épouvantée]. C’est papa!…

[Comme ils tardent à ouvrir, on voit le gros loquet se soulever de lui-même, en grinçant; la porte s’entrebâille pour livrer passage à une petite vieille habillée de vert et coiffée d’un chaperon rouge. Elle est bossue, boiteuse, borgne; le nez et le menton se rencontrent, et elle marche courbée sur un bâton. Il n’est pas douteux que ce ne soit une fée.]

LA FÉE. Avez-vous ici l’herbe qui chante ou l’oiseau qui est bleu?…

TYLTYL. Nous avons de l’herbe, mais elle ne chante pas…

MYTYL. Tyltyl a un oiseau.

TYLTYL. Mais je ne peux pas le donner…

LA FÉE. Pourquoi?…

TYLTYL. Parce qu’il est à moi.

LA FÉE. C’est une raison, bien sûr. Où est-il, cet oiseau?…

TYLTYL [montrant la cage]. Dans la cage…

LA FÉE [mettant ses besicles pour examiner l’oiseau]. Je n’en veux pas; il n’est pas assez bleu. Il faudra que vous m’alliez chercher celui dont j’ai besoin.

TYLTYL. Mais je ne sais pas où il est…

LA FÉE. Moi non plus. C’est pourquoi il faut le chercher. Je puis à la rigueur me passer de l’herbe qui chante16; mais il me faut absolument l’Oiseau Bleu. C’est pour ma petite fille qui est très malade.

TYLTYL. Qu’est-ce qu’elle a?…

LA FÉE. On ne sait pas au juste; elle voudrait être heureuse…

TYLTYL. Ah?…

LA FÉE. Savez-vous qui je suis?…

TYLTYL. Vous ressemblez un peu à notre voisine, Madame Berlingot…

LA FÉE [sefâchant subitement]. En aucune façon… Il n’y a aucun rapport… C’est abominable!… Je suis la Fée Bérylune…

TYLTYL. Ah! très bien…

LA FÉE. Il faudra partir tout de suite.

TYLTYL. Vous viendrez avec nous?…

LA FÉE. C’est absolument impossible à cause du pot-au-feu que j’ai mis ce matin et qui s’empresse de déborder chaque fois que je m’absente plus d’une heure… [Montrant successivement le plafond, la cheminée et la fenêtre.] Voulez-vous sortir par ici, par là ou par là?…

TYLTYL [montrant timidement la porte]. J’aimerais mieux sortir par là…

LA FÉE [se fâchant encore subitement]. C’est absolument impossible, et c’est une habitude révoltante!… [Indiquant lafenêtre.] Nous sortirons par là… Eh bien!… Qu’attendez-vous?… Habillez-vous tout de suite… [Les enfants obéissent et s’habillent rapidement.] Je vais aider Mytyl…

TYLTYL. Nous n’avons pas de souliers…

LA FÉE. Ça n’a pas d’importance. Je vais vous donner un petit chapeau merveilleux. Où sont donc vos parents?…

TYLTYL [montrant la porte à droite]. Ils sont là; ils dorment…

LA FÉE. Et votre bon-papa et votre bonne-maman?…

TYLTYL. Ils sont morts…

LA FÉE. Et vos petits frères et vos petites sœurs… Vous en avez?…

TYLTYL. Oui, oui; trois petits frères…

MYTYL. Et quatre petites sœurs…

LA FÉE. Où sont-ils?…

TYLTYL. Ils sont morts aussi…

LA FÉE. Voulez-vous les revoir?…

TYLTYL. Oh oui!… Tout de suite!… Montrezes!…

LA FÉE. Je ne les ai pas dans ma poche… Mais ça tombe à merveille17; vous les reverrez en passant par le pays du Souvenir. C’est sur la route de l’Oiseau Bleu. Tout de suite à gauche, après le troisième carrefour… Que faisiez-vous quand j’ai frappé?…

TYLTYL. Nous jouions à manger des gâteaux.

LA FÉE. Vous avez des gâteaux?… Où sont-ils?

TYLTYL. Dans le palais des enfants riches… Venez voir, c’est si beau!… [Il entraîne la Fée vers la fenêtre.]

LA FÉE [à la fenêtre]. Mais ce sont les autres qui les mangent!…

TYLTYL. Oui; mais puisqu’on voit tout…

LA FÉE. Tu ne leur en veux pas?…18

TYLTYL. Pourquoi?…

LA FÉE. Parce qu’ils mangent tout. Je trouve qu’ils ont grand tort de ne pas t’en donner…

TYLTYL. Mais non, puisqu’ils sont riches… Hein? que c’est beau chez eux!…

LA FÉE. Ce n’est pas plus beau que chez toi.

TYLTYL. Heu!… Chez nous c’est plus noir, plus petit, sans gâteaux…

LA FÉE. C’est absolument la même chose; c’est que tu n’y vois pas…19

TYLTYL. Mais si, j’y vois très bien, et j’ai de très bons yeux. Je lis l’heure au cadran de l’église que papa ne voit pas…

LA FÉE [se fâchant subitement]. Je te dis que tu n’y vois pas!… Comment donc me vois-tu?… Comment donc suis-je faite?… Eh bien, [Silence gêné de Tyltyl.] répondras-tu? que je sache si tu vois?… Suis-je bele ou bien laide?… [Silence de plus en plus embarrassé.] Tu ne veux pas répondre?… Suis-je jeune ou bien vieille?… Suis-je rose ou bien jaune?… j’ai peut-être une bosse?…

TYLTYL [conciliant]. Non, non, elle n’est pas grande…

LA FÉE. Mais si, à voir ton air, on la croirait énorme… Ai-je le nez crochu et l’œil gauche crevé?…

TYLTYL. Non, non, je ne dis pas… Qui est-ce qui l’a crevé?…

LA FÉE [de plus en plus irritée]. Mais il n’est pas crevé!… Insolent! misérable!… Il est plus beau que ’autre; il est plus grand, plus clair, il est bleu comme e ciel… Et mes cheveux, vois-tu?… Ils sont blonds comme les blés… on dirait de l’or vierge!…20 Et j’en ai tant et tant que la tête me pèse… Ils s’échappent de partout… Les vois-tu sur mes mains?… [Elle étale deux maigres mèches de cheveux gris.]

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