CHAPITRE VINGT-NEUF
CHAPITRE TRENTE
CHAPITRE TRENTE-ET-UN
CHAPITRE TRENTE-DEUX
CHAPITRE TRENTE-TROIS
CHAPITRE TRENTE-QUATRE
CHAPITRE TRENTE-CINQ
CHAPITRE TRENTE-SIX
CHAPITRE TRENTE-SEPT
CHAPITRE TRENTE-HUIT
CHAPITRE PREMIER
Sophia se tenait devant l'Assemblée et essayait de ne pas se laisser impressionner par sa splendeur ou par tout ce qui devait se passer aujourd'hui. Autour d'elle, les nobles portaient la sorte de vêtements luxueux dont la confection avait pris des semaines aux tailleurs et aux couturiers d'Ashton alors que les soldats portaient leur plus bel uniforme d'apparat.
Il n'y avait pas seulement les nobles, bien sûr. A présent, l'Assemblée des Nobles accueillait tout le monde. Sur ses bancs, on trouvait des roturiers qui portaient ce qu'ils avaient pu trouver pour l'occasion.
“J'ai l'impression d'être mal habillée”, dit Sophia à Kate. Kate donna son bras à sa sœur pour qu'elle s'appuie dessus. La robe toute blanche de Sophia avait presque l'air ordinaire à côté de l'or et des bijoux, des soieries et du brocart que l'on voyait dans la salle et, même après les ajustements effectués par les couturiers de la ville, elle était encore tendue et cachait mal son ventre gonflé. A côté d'elle, Sienne, sa chatte de la forêt, se frottait contre elle en ronronnant doucement.
“C'est ton jour de mariage”, dit Kate. “Tu es par définition la plus belle femme de cette salle.”
“Notre jour de mariage”, signala Sophia mais, si une personne avait regardé sa sœur, elle ne l'aurait pas remarqué. Kate était en uniforme militaire et Sophia pensait que personne n'avait dû oser lui proposer de porter une robe de mariage.
“Il y a juste un petit détail à régler en premier : ton couronnement”, dit Kate avec un sourire.
Sophia inspira prudemment et, ce faisant, elle sentit l'enfant bouger en elle. Cela la fit sourire. Après toutes ces semaines, elle avait encore du mal à croire qu'elle serait bientôt mère.
“Prête ?” demanda Kate.
Sophia hocha la tête. “Je suis prête.”
Kate l'emmena dehors et les acclamations de la foule qui les attendait frappèrent Sophia comme un mur de son. Il y avait tant de gens. Sophia les entendait et sentait la présence de leurs pensées autour d'elle. Elle sentait ceux qui avaient un talent semblable au sien lui envoyer des messages télépathiques de joie au milieu des gens ordinaires, même si ces derniers représentaient l'écrasante majorité.
“J'aurais aimé que Cora et Emeline puissent venir”, dit Sophia.
“Elles reviendront quand elles auront persuadé les chefs de Stonehome de quitter leur cachette”, lui assura Kate.
Comme Sophia était des leurs et qu'elle était reine, elle s'était presque attendue à ce qu'elles restent après la bataille.
J'aurais cru que les habitants de Stonehome resteraient, dit Sophia à sa sœur par télépathie.
Kate haussa les épaules. Ils ont l'habitude de se cacher et ils ont pour la plupart une vie à Stonehome. Cora et Emeline les convaincront de revenir. Allez, viens. Ton carrosse attend.
Il les attendait effectivement et l'idée qu'elle allait se rendre à son mariage en carrosse doré fit presque rire Sophia. Si quelqu'un lui avait dit que son mariage se passerait comme ça quand elle serait grande, elle ne l'aurait pas cru. Pourtant, le carrosse était nécessaire. Ces temps-ci, Sophia n'aurait pas été sûre de pouvoir se rendre sur la place principale de la ville à pied sans y arriver épuisée. Donc, elle monta dans son carrosse avec Kate et quatre chevaux blancs le tirèrent en trottant de façon majestueuse pendant que tous les membres de l'Assemblée suivaient derrière en poussant des acclamations pour la soutenir.
Si seulement ils pouvaient être aussi unis quand ils débattent, dit Sophia à Kate par télépathie.
Tu as réussi à faire des quantités de choses, répondit Kate par télépathie. Ce que tu fais actuellement est forcément positif.
Pourtant, Sophia n'était pas sûre d'avoir réussi tant de choses jusqu'à présent. Oh, elle avait fait ses déclarations à la fin de la bataille d'Ashton et elle espérait qu'elle avait donné une meilleure vie aux gens mais, dans ce royaume, la vie était une chose complexe. Il lui semblait que, pour chaque proposition qu'elle faisait, il y avait une dizaine d'objections, de suggestions et de recommandations.
Par exemple, il y avait la reconstruction d'Ashton après la bataille. Si elle regardait par la fenêtre de son carrosse, Sophia voyait des bâtiments en cours de reconstruction. Reconvertis en ouvriers, les soldats travaillaient sur la ville mais chaque jour semblait créer un nouveau débat pour décider si tel ou tel bâtiment était plus approprié, qui était propriétaire du terrain ou qui devait faire le travail maintenant qu'il n'était plus possible d'avoir recours aux personnes liées par contrat synallagmatique.
C'est au moins une chose que j'aurai accomplie, dit Sophia par télépathie quand ils passèrent devant un groupe d'hommes qui portaient les marques de leur esclavage au mollet et que plus personne n'embêtait ou essayait de commander maintenant qu'ils étaient libres. Si je ne fais rien d'autre, ça sera déjà pas mal.
Je pense que tu feras beaucoup d'autres choses, lui assura Kate.
Autour d'elles, la foule continuait à les acclamer. On entendait de la musique çà et là parce que des musiciens des rues se joignaient aux célébrations. Lord Cranston et ses hommes arrivèrent au pas et se joignirent à la procession avec un sens du timing impeccable pour aller vers la place. Quelqu'un lança quelque chose et Kate l'attrapa d'un air méfiant mais c'était seulement une fleur. Sophia rit et la fixa aussi bien que possible dans les mèches courtes de sa sœur.
“Je vais faire quelque chose pour que tu ressembles à une mariée”, dit Sophia.
“Pour ça, ne devrions-nous pas toutes les deux porter un masque ?”
“Non”, dit Sophia d'un ton ferme. C'était une chose sur laquelle elle avait été claire et, pour la même raison, rien de tout cela n'aurait lieu à l'intérieur de l'Église de la Déesse Masquée mais plutôt sur la place.
Cette place était tellement bondée que les soldats avaient été obligés de dégager un espace au milieu. On y avait installé une estrade que l'on avait décorée de soieries et où l'on avait mis un trône à côté d'un autel. La grande prêtresse de la Déesse Masquée actuelle s'y tenait avec les cousins de Sophia et de Kate, Hans et Jan; Frig et Ulf étaient dans les montagnes, où ils supervisaient la reconstruction de Monthys alors que Rika, Oli et Endi étaient de retour à Ishjemme.
Lucas se tenait là lui aussi, éclatant de beauté dans ses robes en soie. Il arrivait à avoir l'air en même temps ravi pour ses sœurs et étonnamment nerveux.
As-tu l'impression qu'il veut qu'on en finisse avec tout ça pour pouvoir partir à la recherche de nos parents ? demanda Sophia à Kate par télépathie.
Pour que nous partions à leur recherche, corrigea Kate. Il doit avoir du mal à attendre comme ça alors qu'il sait où chercher, maintenant, et qu'il n'a même pas la perspective d'un mariage pour passer le temps.
Si l'une de vous s'imagine que je ne suis pas heureux pour vous deux, leur dit Lucas par télépathie, elle se trompe. Je ne raterais cette journée pour rien au monde. Es-tu prête à être reine, Sophia ?
En guise de réponse, Sophia descendit du carrosse et avança vers l'estrade à grands pas pendant que la foule l'acclamait. Elle se retourna, regarda les gens qui étaient assemblés en ce lieu et sentit leur joie et leur espoir. Elle savait qu'ils s'attendaient forcément à ce qu'elle parle.
“Il y a quelques semaines, j'ai pris Ashton par la force”, dit-elle. “J'ai aussi pris des décisions en tant que reine parce que j'avais une armée pour me soutenir. Ensuite, je suis allée à l'Assemblée des Nobles et je leur ai présenté mes suggestions. Ils ont accepté que je sois la reine parce que mon sang m'en donnait le droit. Aujourd'hui, je dois être couronnée mais aucune de ces choses ne me semble suffisante. Donc, je vous le demande : voulez-vous que je sois votre reine ?”