Lacey lui toucha le bras de façon rassurante, ses doigts pâles contrastant avec sa peau naturellement couleur miel.
– Je ne dis pas ça juste comme ça, je te le promets. Je veux le célébrer ici. L’Angleterre est ma patrie. Plus que les États-Unis. Cela signifierait beaucoup pour moi de le faire ici. La plupart des gens que j’aime sont ici, de toute façon. Il n’y aurait que maman, Naomi et Frankie qui viendraient des États-Unis, et quelques vieux amis de l’université.
Tom souffla.
– OK. C’est un soulagement. Je ne voulais pas le dire, mais mon oncle est un vrai radin. Quand ma mère et mon père se sont mariés, il leur a envoyé une facture pour ses frais de voyage !
Lacey était sur le point d’en demander plus sur l’Oncle Radin quand elle fut distraite par un mouvement par-dessus l’épaule de Tom. Une silhouette inquiétante se balançait devant la vitrine de son magasin.
Lacey plissa les yeux en essayant d’identifier la personne. Puis sa poitrine se serra. C’était Taryn.
La propriétaire de la boutique d’à côté était habillée, comme d’habitude, d’une mini-robe noire. Ses cheveux noir de jais étaient coiffés dans un joli carré asymétrique (du même style que celui que Lacey avait arboré avant de le laisser pousser pendant l’été ; elle pensait encore secrètement que Taryn avait copié ce style sur elle).
– Que veut-elle ? marmonna Lacey entre ses dents, irritée d’avance.
Comme un cadavre flottant, Taryn poussa la porte et entra vers elle, ses talons aiguilles noirs et brillants créant des creux dans le plancher. Chester grogna tandis qu’elle avançait comme un ouragan.
Lacey se doutait qu’une sorte de réprimande allait lui être adressée et se prépara mentalement à l’arrivée de la tempête.
Mais soudain, Taryn cessa ses grandes enjambées. Elle avait remarqué que Tom se tenait là, et le changement de comportement fut instantané. Le froncement de ses sourcils sans rides s’atténua et un sourire éclatant (bien que guindé) apparut sur son visage.
– Thomas ! s’exclama-t-elle. J’ai entendu que les félicitations étaient de rigueur.
Lacey remarqua la façon dont son sourire se brisait au fur et à mesure qu’elle le disait, révélant une brève grimace en dessous. Taryn et Tom étaient sortis ensemble il y a de nombreuses années, bien avant que Lacey n’entre en scène, mais la fashionista en pinçait manifestement encore pour lui. Il était évident que la dernière chose qu’elle voulait faire était de les féliciter tous les deux.
– Merci, Taryn, dit Tom, inconscient du sentiment sous-jacent.
Taryn lui fit une bise dans le vide, puis se tourna vers Lacey.
– Félicitations à toi aussi, Lacey. Tu nous donnes à toutes de l’espoir.
Ah, le compliment ambigu typique de Taryn, pensa Lacey.
– Tu voulais quelque chose ? demanda Lacey en se forçant à être plaisante.
– En effet, répondit Taryn d’une voix efficace et professionnelle. Ça ne prendra pas longtemps.
Lacey lui lança un regard sceptique. Taryn disait toujours “ça ne prendra pas longtemps” juste avant de prendre tout le temps de Lacey.
Elle regarda Tom.
– Excuse-moi une seconde.
Il hocha la tête et s’éloigna en sortant son téléphone portable. Probablement pour jouer au jeu de guerre auquel il était devenu accro récemment…
Lacey accorda toute son attention à Taryn.
– Alors, qu’est-ce qu’il y a ?
– C’est à propos du problème de l’air conditionné, dit Taryn. Tu sais que nous ne pouvons pas avoir de machines externes. Mais cet endroit est une fournaise et mes clients se plaignent. Les ventilateurs sur pied ne font pas l’affaire.
– Et ? demanda Lacey, ne sachant pas trop ce que tout cela avait à voir avec elle.
– J’ai découvert une faille, annonça triomphalement Taryn. Mais j’ai besoin de toi pour que ça marche.
Cela ne disait rien qui vaille à Lacey.
– Qu’est-ce que cette faille implique exactement ? demanda-t-elle.
Taryn pointa un doigt osseux vers l’alcôve de leur mur commun.
– Il y a une cheminée condamnée derrière, et on peut y installer un système interne. Je connais un gars qui va la convertir pour nous, et comme il n’y aura rien à l’extérieur, nous pouvons l’installer sans permis de construire et sans que la municipalité ne mette son nez dedans.
Lacey fronça les sourcils, sceptique.
– Pourquoi as-tu besoin de moi ? demande-t-elle.
– C’est ça le truc, répondit Taryn. Il faudra qu’il démolisse la cheminée des deux côtés.
– Pourquoi ?
– Est-ce que j’ai l’air de travailler dans la construction ? la défia Taryn, ouvrant les bras pour faire un geste vers sa tenue élégante.
Lacey roula les yeux ; sa patience faiblissait.
– Un point pour toi. Tu sais au moins combien de temps cela prendra ? Et combien ça va coûter ?
– Eh bien, je voulais que tu sois d’accord avant de prendre la peine d’obtenir des devis, répondit Taryn, sur la défensive.
– Bon, eh bien, ma participation dépend un peu de ce que ça coûte.
Taryn souffla.
– Je savais que ça serait difficile pour toi !
– Je ne suis pas difficile, rétorqua Lacey. Je pose des questions ! Ce sera perturbant d’avoir des ouvriers ici, et je ne sais pas si ce sera vraiment rentable pour moi. Avoir l’air conditionné est moins important pour ma clientèle que pour la tienne.
Elle pensa alors à la cliente qui s’était plainte de la chaleur tout à l’heure. C’était peut-être une bonne idée, après tout ?
– Très bien, dit sèchement Taryn en coupant la parole à Lacey avant qu’elle n’ait eu le temps d’y réfléchir encore. Je vais demander un devis et te l’envoyer par e-mail.
Elle se retourna et s’éloigna, oubliant complètement de faire son numéro joyeux à Tom. Mais cela n’avait pas d’importance, il n’avait pas du tout remarqué son départ. Il avait pianoté sur son téléphone pendant tout ce temps, visiblement complètement absorbé par son jeu de guerre idiot.
– Comment va ton infanterie ? l’interpella Lacey en le taquinant gentiment.
L’attention de Tom se détourna de son téléphone pour se concentrer sur Lacey.
– En fait, je ne jouais pas à mon jeu. J’envoyais un message à ta mère.
Lacey fronça les sourcils avec curiosité.
– Pourquoi ? demanda-t-elle.
– Pour être sûre que ça ne la dérange pas de voyager pour le mariage, dit Tom.
Lacey eut l’estomac noué. Sa bouche s’ouvrit.
Oh non. Oh non, non, non !
– Tom ! cria-t-elle, paniquée. Je ne leur ai pas encore dit !
– Pas encore dit quoi ? demanda Tom, fronçant les sourcils en réponse à son expression horrifiée.
– Je n’ai pas dit à ma famille que nous sommes fiancés ! s’exclama-t-elle.
L’aveu flotta dans l’espace entre eux. Puis Tom prit un air atterré.
– Quoi ? s’écria-t-il.
Mais avant que Lacey n’ait pu s’expliquer, son téléphone portable se mit à sonner. Ce devait être sa mère. Elle le savait, c’est tout.
Elle arracha ses yeux de Tom et prit son téléphone. Sans surprise, le nom de sa mère clignotait.
Lacey en eut l’estomac retourné. Elle avait de gros, gros problèmes.
CHAPITRE TROIS
Lacey tenait à bout de bras son portable qui vibrait avec insistance. Mais elle savait qu’elle ne pouvait plus le remettre à plus tard. Il était temps de faire face aux conséquences.
Elle savait que cette conversation allait être très gênante et elle ne voulait pas que Tom l’entende bafouiller, alors elle décida de sortir dans le jardin pour avoir un peu d’intimité.
Elle laissa Tom dans le magasin, l’air hébété, et se précipita dans la salle des ventes en direction des portes-fenêtres. Au bruit de son passage précipité, Finnbar sortit la tête de la réserve et lui lança un regard perplexe. Lacey ne s’arrêta pas pour expliquer. Elle sortit simplement dans le jardin par les portes-fenêtres et appuya sur le bouton vert.
Elle écouta anxieusement la connexion être établie.
– Bonjour, Lacey, dit la voix froide de sa mère. C’est ta mère. Tu te souviens de moi ? Je suis la femme qui t’a donné la vie. Qui t’a mise au monde.