Александр Дюма - Les Trois Mousquetaires / Три мушкетера стр 2.

Шрифт
Фон

Et cette sensation avait été dautant plus pénible au jeune dArtagnan (ainsi sappelait le don Quichotte de cette autre Rossinante), quil ne se cachait pas le côté ridicule que lui donnait, si bon cavalier quil fût, une pareille monture ; aussi avait-il fort soupiré en acceptant le don que lui en avait fait M. dArtagnan père. Il nignorait pas quune pareille bête valait au moins vingt livres : il est vrai que les paroles dont le présent avait été accompagné navaient pas de prix.

« Mon fils, avait dit le gentilhomme gascon dans ce pur patois de Béarn dont Henri IV navait jamais pu parvenir à se défaire , mon fils, ce cheval est né dans la maison de votre père, il y a tantôt treize ans, et y est resté depuis ce temps-là, ce qui doit vous porter à laimer. Ne le vendez jamais, laissez-le mourir tranquillement et honorablement de vieillesse, et si vous faites campagne avec lui, ménagez-le comme vous ménageriez un vieux serviteur. À la cour, continua M. dArtagnan père, si toutefois vous avez lhonneur dy aller, honneur auquel, du reste, votre vieille noblesse vous donne des droits, soutenez dignement votre nom de gentilhomme, qui a été porté dignement par vos ancêtres depuis plus de cinq cents ans. Pour vous et pour les vôtres par les vôtres, jentends vos parents et vos amis , ne supportez jamais rien que de M. le cardinal et du roi. Cest par son courage, entendez-vous bien, par son courage seul, quun gentilhomme fait son chemin aujourdhui. Quiconque tremble une seconde laisse peut-être échapper lappât que, pendant cette seconde justement, la fortune lui tendait. Vous êtes jeune, vous devez être brave par deux raisons : la première, cest que vous êtes Gascon, et la seconde, cest que vous êtes mon fils. Ne craignez pas les occasions et cherchez les aventures. Je vous ai fait apprendre à manier lépée ; vous avez un jarret de fer, un poignet dacier ; battez-vous à tout propos ; battez-vous dautant plus que les duels sont défendus, et que, par conséquent, il y a deux fois du courage à se battre. Je nai, mon fils, à vous donner que quinze écus, mon cheval et les conseils que vous venez dentendre. Votre mère y ajoutera la recette dun certain baume quelle tient dune bohémienne, et qui a une vertu miraculeuse pour guérir toute blessure qui natteint pas le coeur. Faites votre profit du tout, et vivez heureusement et longtemps. Je nai plus quun mot à ajouter, et cest un exemple que je vous propose, non pas le mien, car je nai, moi, jamais paru à la cour et nai fait que les guerres de religion en volontaire ; je veux parler de M. de Tréville, qui était mon voisin autrefois, et qui a eu lhonneur de jouer tout enfant avec notre roi Louis treizième, que Dieu conserve ! Quelquefois leurs jeux dégénéraient en bataille et dans ces batailles le roi nétait pas toujours le plus fort. Les coups quil en reçut lui donnèrent beaucoup destime et damitié pour M. de Tréville. Plus tard, M. de Tréville se battit contre dautres dans son premier voyage à Paris, cinq fois ; depuis la mort du feu roi jusquà la majorité du jeune sans compter les guerres et les sièges, sept fois ; et depuis cette majorité jusquaujourdhui, cent fois peut-être ! Aussi, malgré les édits, les ordonnances et les arrêts, le voilà capitaine des mousquetaires, cest-à-dire chef dune légion de Césars, dont le roi fait un très grand cas, et que M. le cardinal redoute, lui qui ne redoute pas grand-chose, comme chacun sait. De plus, M. de Tréville gagne dix mille écus par an ; cest donc un fort grand seigneur. Il a commencé comme vous, allez le voir avec cette lettre, et réglez-vous sur lui, afin de faire comme lui. »

Sur quoi, M. dArtagnan père ceignit à son fils sa propre épée, lembrassa tendrement sur les deux joues et lui donna sa bénédiction.

En sortant de la chambre paternelle, le jeune homme trouva sa mère qui lattendait avec la fameuse recette dont les conseils que nous venons de rapporter devaient nécessiter un assez fréquent emploi. Les adieux furent de ce côté plus longs et plus tendres quils ne lavaient été de lautre, non pas que M. dArtagnan naimât son fils, qui était sa seule progéniture, mais M. dArtagnan était un homme, et il eût regardé comme indigne dun homme de se laisser aller à son émotion, tandis que Mme dArtagnan était femme et, de plus, était mère. Elle pleura abondamment, et, disons-le à la louange de M. dArtagnan fils, quelques efforts quil tentât pour rester ferme comme le devait être un futur mousquetaire, la nature lemporta et il versa force larmes, dont il parvint à grand-peine à cacher la moitié.

Le même jour le jeune homme se mit en route, muni des trois présents paternels et qui se composaient, comme nous lavons dit, de quinze écus, du cheval et de la lettre pour M. de Tréville ; comme on le pense bien, les conseils avaient été donnés par-dessus le marché.

Avec un pareil vade-mecum, dArtagnan se trouva, au moral comme au physique, une copie exacte du héros de Cervantes, auquel nous lavons si heureusement comparé lorsque nos devoirs dhistorien nous ont fait une nécessité de tracer son portrait. Don Quichotte prenait les moulins à vent pour des géants et les moutons pour des armées, dArtagnan prit chaque sourire pour une insulte et chaque regard pour une provocation. Il en résulta quil eut toujours le poing fermé depuis Tarbes jusquà Meung, et que lun dans lautre il porta la main au pommeau de son épée dix fois par jour ; toutefois le poing ne descendit sur aucune mâchoire, et lépée ne sortit point de son fourreau. Ce nest pas que la vue du malencontreux bidet jaune népanouît bien des sourires sur les visages des passants ; mais, comme au-dessus du bidet sonnait une épée de taille respectable et quau-dessus de cette épée brillait un oeil plutôt féroce que fier, les passants réprimaient leur hilarité, ou, si lhilarité lemportait sur la prudence, ils tâchaient au moins de ne rire que dun seul côté, comme les masques antiques. DArtagnan demeura donc majestueux et intact dans sa susceptibilité jusquà cette malheureuse ville de Meung.

Mais là, comme il descendait de cheval à la porte du Franc Meunier sans que personne, hôte, garçon ou palefrenier, fût venu prendre létrier au montoir, dArtagnan avisa à une fenêtre entrouverte du rez-de-chaussée un gentilhomme de belle taille et de haute mine, quoique au visage légèrement renfrogné, lequel causait avec deux personnes qui paraissaient lécouter avec déférence. DArtagnan crut tout naturellement, selon son habitude, être lobjet de la conversation et écouta. Cette fois, dArtagnan ne sétait trompé quà moitié : ce nétait pas de lui quil était question, mais de son cheval. Le gentilhomme paraissait énumérer à ses auditeurs toutes ses qualités, et comme, ainsi que je lai dit, les auditeurs paraissaient avoir une grande déférence pour le narrateur, ils éclataient de rire à tout moment. Or, comme un demi-sourire suffisait pour éveiller lirascibilité du jeune homme, on comprend quel effet produisit sur lui tant de bruyante hilarité.

Cependant dArtagnan voulut dabord se rendre compte de la physionomie de limpertinent qui se moquait de lui. Il fixa son regard fier sur létranger et reconnut un homme de quarante à quarante-cinq ans, aux yeux noirs et perçants, au teint pâle, au nez fortement accentué, à la moustache noire et parfaitement taillée ; il était vêtu dun pourpoint et dun haut-de-chausses violet avec des aiguillettes de même couleur, sans aucun ornement que les crevés habituels par lesquels passait la chemise. Ce haut-de-chausses et ce pourpoint, quoique neufs, paraissaient froissés comme des habits de voyage longtemps renfermés dans un portemanteau. DArtagnan fit toutes ces remarques avec la rapidité de lobservateur le plus minutieux, et sans doute par un sentiment instinctif qui lui disait que cet inconnu devait avoir une grande influence sur sa vie à venir.

Ваша оценка очень важна

0
Шрифт
Фон

Помогите Вашим друзьям узнать о библиотеке

Скачать книгу

Если нет возможности читать онлайн, скачайте книгу файлом для электронной книжки и читайте офлайн.

fb2.zip txt txt.zip rtf.zip a4.pdf a6.pdf mobi.prc epub ios.epub fb3

Популярные книги автора