Et maintenant il vous envoie la peuplade la plus belliqueuse de la Thrakè.
DIKÆOPOLISVoilà, au moins, qui est clair.
LE HÉRAUTParaissez, Thrakiens que Théoros amène.
DIKÆOPOLISQuel est ce fléau?
THÉOROSL'armée des Odomantes.
DIKÆOPOLISQuels Odomantes? Dis-moi, qu'est-ce que cela signifie? Qui donc a émasculé ces Odomantes?
THÉOROSSi on leur donne deux drakhmes de solde, ils fondront sur la Bœotia tout entière.
DIKÆOPOLISDeux drakhmes à ces châtrés! Gémis, peuple de marins, sauveurs de la ville! Ah! malheureux, c'est fait de moi! Les Odomantes m'ont volé mon ail. N'allez-vous pas me rendre mon ail?
THÉOROSMalheureux, ne te mesure pas avec des hommes bourrés d'ail.
DIKÆOPOLISVous souffrez, Prytanes, que je sois traité de la sorte dans ma patrie, et cela par des Barbares! Mais je m'oppose à ce que l'assemblée délibère sur la solde à donner aux Thrakiens. Je vous déclare qu'il se produit un signe céleste: une goutte d'eau m'a mouillé.
LE HÉRAUTQue les Thrakiens se retirent! Ils se présenteront dans trois jours. Les Prytanes lèvent la séance.
DIKÆOPOLISOh! malheur! Que j'ai perdu de hachis. Mais voici Amphithéos, qui revient de Lakédæmôn. Salut, Amphithéos!
AMPHITHÉOSNon, pas de salut; laisse-moi courir: il faut qu'en fuyant, je fuie les Akharniens.
DIKÆOPOLISQu'est-ce donc?
AMPHITHÉOSJe me hâtais de t'apporter ici la trêve; mais quelques Akharniens de vieille roche ont flairé la chose, vieillards solides, d'yeuse, durs à cuire, combattants de Marathôn, de bois d'érable. Ils se mettent à crier tous ensemble: «Ah! scélérat! tu apportes une trêve, et on vient de couper nos vignes!» En même temps ils mettent des tas de pierres dans leurs manteaux; moi je m'enfuis; eux me poursuivent en criant.
DIKÆOPOLISEh bien, qu'ils crient! Mais apportes-tu la trêve?
AMPHITHÉOSOui, assurément, et j'en ai de trois goûts. En voici une de cinq ans; prends et goûte.
DIKÆOPOLISPouah!
AMPHITHÉOSQu'y a-t-il?
DIKÆOPOLISElle ne me plaît pas: cela sent le goudron et l'équipement naval.
AMPHITHÉOSEh bien, goûte cette autre, qui a dix ans.
DIKÆOPOLISElle sent, à son tour, le goût aigre des envoyés, qui vont par les villes stimuler la lenteur des alliés.
AMPHITHÉOSVoici enfin une trêve de trente ans sur terre et sur mer.
DIKÆOPOLISO Dionysia! En voilà une qui sent l'ambroisie et le nectar. Elle ne dit pas: «Fais provision de vivres pour trois jours.» Mais elle a à la bouche: «Va où tu veux!» Je l'accepte, je la ratifie, je bois à son honneur, et je souhaite mille joies aux Akharniens. Pour moi, délivré de la guerre et de ses maux, je vais à la campagne fêter les Dionysia.
AMPHITHÉOSEt moi, j'échappe aux Akharniens.
LE CHŒURPar ici! Que chacun suive! Poursuis! Informe-toi de cet homme auprès de tous les passants! Il est de l'intérêt de la ville de se saisir de lui. Ainsi faites-moi savoir si quelqu'un de vous connaît l'endroit par où a passé le porteur de trêve.
Il a fui; il a disparu. Hélas! quel malheur pour mes armées! Il n'en était pas de même dans ma jeunesse, lorsque, chargé de sacs de charbon, je suivais Phayllos à la course: ce porteur de trêve n'aurait pas alors si aisément échappé à ma poursuite; il ne se serait pas dérobé comme un cerf. Mais maintenant que mon jarret est devenu roide, et que la jambe du vieux Lakrasidès s'est alourdie, il a filé.
Il faut courir après. Que jamais il ne nous nargue en disant qu'il a échappé aux vieux Akharniens, celui qui, de par Zeus souverain et de par les dieux, a traité avec les ennemis auxquels je voue pour toujours une haine implacable en raison du mal fait à mes champs. Je ne cesserai pas avant que je m'attache à eux comme une flèche acérée, douloureuse, ou la rame à la main, afin qu'ils ne foulent pas aux pieds mes vignes.
Mais il faut chercher notre homme, avoir l'œil du côté de Pallènè, et le poursuivre de lieu en lieu, jusqu'à ce qu'on le trouve; car je ne saurais m'assouvir de le lapider.
DIKÆOPOLISObservez, observez un silence religieux.
LE CHŒURQue tout le monde se taise! N'avez-vous pas entendu, vous autres, réclamer le silence religieux? Voilà l'homme même que nous cherchons. Retirez-vous tous par ici; car notre homme semble s'avancer pour offrir un sacrifice.
DIKÆOPOLISObservez, observez un silence religieux. Que la kanéphore vienne un peu en avant: Xanthias, mets le phallos droit.
LA FEMME DE DIKÆOPOLISDépose ta corbeille, ma fille, afin que nous commencions.
LA FILLE DE DIKÆOPOLISMa mère, passe-moi la cuillère, pour que je répande de la purée sur le gâteau.
DIKÆOPOLISVoilà qui est bien. Souverain Dionysos, c'est avec reconnaissance que je célèbre cette fête en ton honneur, et que je t'offre un sacrifice avec toute ma maison: rends-moi favorables les Dionysia champêtres, à l'abri de la guerre, et fais que je passe au mieux les trente ans de la trêve.
LA FEMME DE DIKÆOPOLISVoyons, ma fille, gentille enfant, porte gentiment la corbeille; aie le regard d'une mangeuse de sarriette. Heureux qui t'aura pour femme et qui te fera puer comme une belette, au point du jour! Avance, mais prends bien garde que dans la foule on ne fasse main-basse sur tes bijoux d'or.
DIKÆOPOLISXanthias, à vous deux le soin de tenir le phallos droit derrière la kanéphore. Moi, je suivrai en chantant l'hymne phallique. Toi, femme, regarde la fête de dessus notre toit. Va.
Phalès, ami de Bakkhos, bon compagnon de table, coureur de nuit, adultère, pédéraste, après six ans je te salue, ramené de bon cœur dans mon dême par une trêve, délivré des soucis, des combats et des Lamakhos. Combien est-il plus doux, ô Phalès, Phalès, de surprendre une bûcheronne, dans toute sa fraîcheur, volant du bois dans la forêt du Phelleus, comme qui dirait Thratta, l'esclave de Strymodoros, de la saisir à bras-le-corps, de la jeter par terre et d'en cueillir la fleur. Phalès, Phalès, si tu bois avec nous, demain matin, après l'orgie, tu avaleras un plat en l'honneur de la paix, et mon bouclier sera pendu dans la fumée.
LE CHŒURC'est lui, lui-même, lui: jette, jette, jette, jette; frappez tous l'infâme. Allons, lancez, lancez!
DIKÆOPOLISPar Hèraklès, qu'est-ce cela? Vous allez casser ma marmite.
LE CHŒURC'est donc toi que nous lapiderons, tête infâme!
DIKÆOPOLISEt pour quelles fautes, vieillards Akharniens?
LE CHŒURTu le demandes, toi qui n'es qu'un impudent scélérat, traître à la patrie; seul de nous tu as conclu une trêve, et tu oses ensuite me regarder en face!
DIKÆOPOLISMais écoutez donc pourquoi j'ai conclu cette trêve, écoutez!
LE CHŒURT'écouter? Tu périras! Nous allons t'écraser sous les pierres.
DIKÆOPOLISNon, non; commencez par m'écouter: arrêtez, mes amis.
LE CHŒURJe ne m'arrêterai pas. Ne me dis point ce que tu dis. Je te hais encore plus que Kléôn, que je couperai pour en faire des semelles aux Chevaliers. Mais je ne veux rien entendre de tes longs discours, toi qui as traité avec les Lakoniens, mais je te châtierai.