Аристофан - Aristophane; Traduction nouvelle, tome premier стр 5.

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Je ne m'arrêterai pas. Ne me dis point ce que tu dis. Je te hais encore plus que Kléôn, que je couperai pour en faire des semelles aux Chevaliers. Mais je ne veux rien entendre de tes longs discours, toi qui as traité avec les Lakoniens, mais je te châtierai.

DIKÆOPOLIS

Mes amis, laissez là les Lakoniens; et, quant à mon traité, écoutez si je n'ai pas bien traité.

LE CHŒUR

Comment pourrais-tu dire que tu as bien fait, du moment que tu traites avec des gens qui n'ont ni autel, ni foi, ni serment?

DIKÆOPOLIS

Et je sais, moi, que les Lakoniens, à qui nous en voulons trop, ne sont pas les auteurs de toutes nos misères.

LE CHŒUR

Pas de toutes, scélérat! Tu as le front de nous tenir en face un pareil langage! Et je t'épargnerais!

DIKÆOPOLIS

Non, pas de toutes, pas de toutes! Et moi qui vous parle, je pourrais vous montrer que, maintes fois, c'est à eux qu'on a fait tort.

LE CHŒUR

Voilà un mot imprudent, et fait pour échauffer la bile, que tu oses nous parler ainsi des ennemis!

DIKÆOPOLIS

Et si je ne dis vrai, si le peuple ne m'approuve pas, je veux parler la tête même sur le billot.

LE CHŒUR

Dites-moi, gens du peuple, ne ménageons pas les pierres, et cardons cet homme pour le teindre en pourpre!

DIKÆOPOLIS

Quel noir tison se rallume en vous? Ne m'écouterez-vous pas, ne m'écouterez-vous pas, Akharniens?

LE CHŒUR

Nous ne t'écouterons pas, certainement.

DIKÆOPOLIS

Je vais passer par un cruel moment.

LE CHŒUR

Que je meure, si je t'écoute!

DIKÆOPOLIS

Non, de grâce, Akharniens!

LE CHŒUR

Tu vas mourir à l'instant!

DIKÆOPOLIS

Eh bien, je vais vous mordre: je vais tuer vos plus chers amis: je tiens de vous des otages, je les prends et je les égorge.

LE CHŒUR

Dites-moi, gens du peuple, que signifie cette parole menaçante contre nous les Akharniens? A-t-il en son pouvoir quelque enfant de l'un de nous, qu'il tient enfermé? D'où lui vient cette hardiesse?

DIKÆOPOLIS

Frappez, si vous voulez, je me vengerai sur ceci. (Il montre un panier.) Je saurai sans doute qui de vous a souci des charbons.

LE CHŒUR

Nous sommes perdus. Ce panier est mon concitoyen. Mais tu ne feras pas ce que tu dis: pas du tout, pas du tout.

DIKÆOPOLIS

Je l'égorgerai. Criez! Je ne vous entendrai pas.

LE CHŒUR

Tu vas tuer ce camarade, un ami des charbonniers!

DIKÆOPOLIS

Tout à l'heure, quand je parlais, vous ne m'avez pas écouté.

LE CHŒUR

Eh bien, parle à présent, si bon te semble, de Lakédæmôn et de ce que tu aimes le mieux. Jamais je n'abandonnerai ce petit panier.

DIKÆOPOLIS

Maintenant, commencez par jeter vos pierres à terre.

LE CHŒUR

Les voilà à terre; et toi, à ton tour, dépose ton épée.

DIKÆOPOLIS

Mais faites que dans vos manteaux il n'y ait pas quelque part des pierres.

LE CHŒUR

Elles ont été secouées par terre. Ne vois-tu pas nos manteaux secoués? Allons, plus de prétexte; dépose ton arme. Le secouement s'est opéré pendant notre évolution chorale.

DIKÆOPOLIS

Vous alliez tous pousser de beaux cris, et peu s'en est fallu que ces charbons du Parnès ne périssent, et cela par la folie de leurs compatriotes. La peur a fait chier sur moi à ce panier une poussière noire comme de la sépia. C'est terrible pour des hommes d'avoir dans l'âme une humeur de verjus, qui porte à battre et à crier, sans vouloir écouter raisonnablement les raisons que j'allègue, quand je veux, sur le billot même, dire tout ce que j'ai à dire au sujet des Lakédæmoniens, et cependant j'aime ma vie, moi.

LE CHŒUR

Pourquoi donc alors ne fais-tu pas placer un billot devant la porte, pour nous dire, misérable, la chose à laquelle tu attaches tant d'importance? Car j'ai grande envie de connaître tes pensées. Mais selon le mode de justice que tu as fixé, fais placer ici le billot, et prends la parole.

DIKÆOPOLIS

Eh bien, voyez: voilà le billot, et voici l'orateur, moi pauvre homme. Assurément, par Zeus! je ne me couvrirai pas d'un bouclier, mais je dirai sur les Lakédæmoniens ce qui me paraît bon. Cependant j'ai bien des craintes. Je connais l'humeur de nos campagnards, qui se gaudissent quand quelque hâbleur fait l'éloge, juste ou non, d'eux et de la ville. Et ils ne s'aperçoivent pas qu'on les a vendus. Je connais aussi l'âme des vieillards, qui ne voient pas autre chose que de mordre le monde avec leur vote. Je sais ce que j'ai eu à souffrir de Kléôn pour ma comédie de l'année dernière. Il m'a traîné devant le Conseil, me criblant de calomnies, m'étourdissant de ses mensonges, de ses cris, se déchaînant comme un torrent, fondant en déluge, à ce point que j'ai failli périr noyé dans un tas d'infamies. Et maintenant, avant que je prenne la parole, laissez-moi endosser le costume du plus misérable des êtres.

LE CHŒUR

Pourquoi ce tissu de détours, d'artifices et de retards? Emprunte-moi à Hiéronymos un casque de Hadès, aux poils sombres et hérissés; puis déploie les ruses de Sisyphos; car ce débat ne comportera pas de délai.

DIKÆOPOLIS

Voici le moment où il faut que je prenne une âme résolue. Allons tout de suite trouver Euripidès. Esclave! Esclave!

KÉPHISOPHÔN

Qui est là?

DIKÆOPOLIS

Euripidès est-il chez lui?

KÉPHISOPHÔN

Il n'y est pas et il y est, si tu n'es pas dépourvu de sens.

DIKÆOPOLIS

Comment y est-il et n'y est-il pas?

KÉPHISOPHÔN

Tout simplement, vieillard: son esprit, courant dehors après des vers, n'y est pas, mais lui-même est chez lui, juché en l'air, composant une tragédie.

DIKÆOPOLIS

O trois fois heureux Euripidès, d'avoir un esclave qui répond si sagement! Mais toi, appelle ton maître.

KÉPHISOPHÔN

C'est impossible.

DIKÆOPOLIS

Mais cependant je ne puis m'en aller. Je vais frapper à la porte. Euripidès! mon petit Euripidès! Écoute-moi, si jamais tu l'as fait pour quelqu'un. C'est Dikæopolis qui t'appelle, du dême de Khollide, moi.

EURIPIDÈS

Je n'ai pas le temps.

DIKÆOPOLIS

Hé bien, fais-toi rouler.

EURIPIDÈS

Impossible.

DIKÆOPOLIS

Mais pourtant.

EURIPIDÈS

Allons! qu'on me roule! Je n'ai pas le temps de descendre.

DIKÆOPOLIS

Euripidès!

EURIPIDÈS

Qu'est-ce que tu chantes?

DIKÆOPOLIS

Tu composes juché en l'air, quand tu peux être en bas. Il n'est pas étonnant que tu crées des boiteux. Et pourquoi as-tu ces haillons tragiques, ces vêtements pitoyables? Il n'est pas étonnant que tu crées des mendiants. Mais, je t'en prie à genoux, Euripidès, donne-moi les haillons de quelque vieux drame. J'ai à débiter au Chœur un long discours, qui me vaudra la mort, si je parle mal.

EURIPIDÈS

Quelles guenilles veux-tu? Celles que portait, dans son rôle, Œneus, cet infortuné vieillard?

DIKÆOPOLIS

Non; pas celles d'Œneus, mais d'un plus malheureux encore.

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