Thor était stupéfait: en quelques minutes, le champ de bataille était devenu vide et silencieux. Tout ce qui restait, c'étaient les gémissements des McCloud blessés, amassés en tas. Thor regarda autour de lui et vit ses amis, épuisés et essoufflés; ils semblaient être couverts de quantités de bleus et de blessures légères, mais en bon état. Mis à part, bien sûr, les trois membres de la légion qu'il ne connaissait pas et qui gisaient là, morts.
On entendit un grand grondement à l'horizon. Thor se tourna dans l'autre direction et vit l'armée du Roi charger par dessus la colline et foncer vers eux, menée par Kendrick. Ils galopèrent vers eux et, en quelques moments, vinrent s'arrêter devant Thor et ses amis, survivants solitaires de ce champ sanglant.
Thor resta sur place, choqué, le regard fixe. Kendrick, Kolk, Brom et les autres descendirent de cheval et marchèrent lentement vers Thor. Ils étaient accompagnés par des dizaines de l'Argent, tous les grands guerriers de l'Armée du Roi. Ils virent que Thor et les autres étaient seuls, victorieux, sur le champ de bataille sanglant criblé des cadavres de centaines de McCloud. Thor vit leurs expressions d'émerveillement, de respect, de stupeur mêlée d'admiration. Il les voyait dans leurs yeux. C'était ce qu'il avait voulu toute sa vie.
Il était un héros.
CHAPITRE NEUF
Erec galopait sur son cheval, fonçant sur la Voie du Sud, chargeant plus vite que jamais, faisant de son mieux pour éviter les trous de la route dans l'obscurité de la nuit. Il n'avait pas arrêté de chevaucher depuis qu'il avait appris que Alistair avait été enlevée, vendue comme esclave et emmenée à Baluster. Il ne pouvait arrêter de se réprimander. Il avait été idiot et naïf de faire confiance à cet aubergiste, de supposer qu'il tiendrait sa promesse, respecterait sa part du marché et lui confierait Alistair après qu'il aurait gagné le tournoi. La parole d'Erec était son honneur, et il supposait que celles des autres était sacrée, elle aussi. C'était une erreur stupide et Alistair en avait payé le prix.
Erec avait le cœur brisé en pensant à elle et il éperonna son cheval plus fort. Une dame aussi belle et raffinée, qui avait d'abord subi l'indignation de travailler pour cet aubergiste, puis, ensuite, avait été vendue comme esclave, et qui plus est comme esclave sexuelle. L'idée le rendait furieux et il ne pouvait s'empêcher de se dire qu'il était d'une façon ou d'une autre responsable de cette situation: s'il n'était jamais apparu dans sa vie, n'avait jamais proposé de l'emmener, peut-être l'aubergiste n'aurait-il jamais envisagé une telle chose.
Erec chargea toute la nuit, les oreilles constamment remplies du son des sabots de son cheval, ainsi que de sa respiration. Le cheval était complètement épuisé et Erec craignait qu'il s'effondre. Erec était allé directement chez l'aubergiste après le tournoi, ne s'était pas arrêté pour se reposer, et il était tellement épuisé qu'il avait l'impression qu'il pourrait simplement s'effondrer et tomber de son cheval. Cependant, il se força à garder les yeux ouverts et à rester éveillé pendant qu'il chevauchait sous les derniers vestiges de la pleine lune, plein sud vers Baluster.
Erec avait entendu parler de Baluster tout au long de sa vie, bien que ce soit un endroit où il ne s'était jamais rendu; selon les rumeurs, cette ville avait la réputation d'être un lieu de jeux d'argent, d'opium, de sexe, de tous les vices imaginables dans le royaume. C'était l'endroit où les insatisfaits, venus des quatre coins de l'Anneau, s'agglutinaient pour exploiter chaque sorte d'activité sordide connue par les hommes. Cet endroit était le contraire de ce qu'Erec était. Il ne jouait jamais d'argent et buvait rarement, car il préférait passer son temps libre à s'entraîner, à perfectionner ses compétences. Il ne comprenait pas le type de personne qui s'adonnait à l'oisiveté et aux bacchanales, comme le faisaient ceux qui fréquentaient Baluster. Aller dans cette ville présageait mal pour lui. Rien de bon ne pourrait en venir. La seule pensée qu'Alistair se trouve dans un tel endroit lui fendait le cœur. Il savait qu'il fallait qu'il la sauve vite et l'emmène loin d'ici avant que des dommages ne surviennent.
Quand la lune se coucha dans le ciel, que la route s'élargit et devint mieux fréquentée, Erec eut un premier aperçu de la cité: le nombre infini de torches qui en éclairaient les murs donnait à la cité l'apparence d'un feu de joie nocturne. Erec ne fut pas surpris: on disait que ses habitants étaient debout à toute heure de la nuit.
Erec chevaucha plus vite et la cité se rapprocha. Finalement, il passa par dessus un petit pont en bois, avec des torches des deux côtés et une sentinelle qui somnolait à sa base et se leva d'un bond quand Erec passa en coup de vent. “Hé !” lui cria le garde.
Cependant, Erec ne ralentit même pas. Si l'homme avait assez de courage pour le poursuivre (chose dont Erec doutait beaucoup), alors, Erec s'assurerait que ce soit la dernière chose qu'il fasse.
Erec chargea par la grande entrée ouverte de cette cité qui était disposée en carré, entourée d'anciens murs de pierre bas. Quand il entra, il fonça dans les rues étroites, très lumineuses, toutes bordées de torches. Les bâtiments étaient adjacents, ce qui donnait à la cité une impression d'étroitesse, d'oppression. Les rues étaient absolument bondées. Presque tous les gens avaient l'air ivres, trébuchaient çà et là, criaient fort, se bousculaient les uns les autres. C'était comme une immense fête et un établissement sur deux était une taverne ou une maison de jeux.
Erec savait que c'était le bon endroit. Il sentait qu'Alistair était ici, quelque part. Il déglutit avec anxiété, espérant qu'il n'était pas trop tard.
Il chevaucha jusqu'à ce qui semblait être une taverne particulièrement grande du centre-ville. Des quantités de gens fourmillaient à l'extérieur et Erec se dit que ce serait un bon endroit pour commencer sa recherche.
Erec descendit de cheval et se précipita à l'intérieur. Il se fraya un chemin dans la foule bruyante et ivre à coups de coude et arriva à l'aubergiste, qui se tenait à l'arrière, au milieu de la pièce, notait le nom des gens, encaissait leur argent et leur montrait où se trouvaient les chambres. C'était un gars d'apparence mielleuse qui affichait un sourire hypocrite, suait et se frottait les mains en comptant les pièces de ses clients. Il leva les yeux vers Erec, un sourire artificiel au visage.
“Une chambre, monsieur ?” demanda-t-il. “Ou est-ce des femmes que vous voulez ?”
Erec secoua la tête et se rapprocha de l'homme pour être entendu en dépit du vacarme.
“Je recherche un marchand”, dit Erec. “Un marchand d'esclaves. Il est arrivé de Savaria il y a seulement un jour un deux. Il a apporté de précieuses marchandises. Des marchandises humaines.”
L'homme se pourlécha les babines.
“Les informations que vous recherchez sont précieuses”, dit l'homme. “Je peux les fournir aussi facilement qu'une chambre.”
L'homme tendit la main, frotta les doigts les uns contre les autres et ouvrit la main. Il leva les yeux vers Erec et sourit, la lèvre supérieure en sueur.
Erec était dégoûté par cet homme, mais il voulait des informations et ne voulait pas perdre de temps. Par conséquent, il plongea la main dans sa bourse et déposa une grande pièce d'or dans la main de l'homme.
L'homme écarquilla les yeux en l'examinant.
“L'or du Roi”, observa-t-il, impressionné.
Il regarda Erec de la tête aux pieds avec un air de respect et d'émerveillement.
“Donc, vous venez directement de la Cour du Roi ?” demanda-t-il.