Де Мюссе Альфред - La confession d'un enfant du siècle стр 9.

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Les poètes représentent l’amour comme les sculpteurs nous peignent la beauté, comme les musiciens créent la mélodie; c’est-à-dire que, doués d’une organisation nerveuse et exquise, ils rassemblent avec discernement et avec ardeur les éléments les plus purs de la vie, les lignes les plus belles de la matière et les voix les plus harmonieuses de la nature. Il y avait, dit-on, à Athènes, une grande quantité de belles filles; Praxitèle les dessina toutes l’une après l’autre; après quoi, de toutes ces beautés diverses qui, chacune, avaient leur défaut, il fit une beauté unique, sans défaut, et créa la Vénus. Le premier homme qui fit un instrument de musique et qui donna à cet art ses règles et ses lois, avait écouté, longtemps auparavant, murmurer les roseaux et chanter les fauvettes. Ainsi les poètes, qui connaissaient la vie, après avoir vu beaucoup d’amours plus ou moins passagers, après avoir senti profondément jusqu’à quel degré d’exaltation sublime la passion peut s’élever par moments, retranchant de la nature humaine tous les éléments qui la dégradent, créèrent ces noms mystérieux qui passèrent d’âge en âge sur les lèvres des hommes: Daphnis et Chloé, Héro et Léandre, Pyrame et Thisbé.

Vouloir chercher dans la vie réelle des amours pareils à ceux-là, éternels et absolus, c’est la même chose que de chercher sur la place publique des femmes aussi belles que la Vénus, ou de vouloir que les rossignols chantent les symphonies de Beethoven.

La perfection n’existe pas; la comprendre est le triomphe de l’intelligence humaine; la désirer pour la posséder est la plus dangereuse des folies. Ouvrez votre fenêtre, Octave; ne voyez-vous pas l’infini? ne sentez-vous pas que le ciel est sans bornes? votre raison ne vous le dit-elle pas? Cependant concevez-vous l’infini? vous faites-vous quelque idée d’une chose sans fin, vous qui êtes né d’hier et qui mourrez demain? Ce spectacle de l’immensité a, dans tous les pays du monde, produit les plus grandes démences. Les religions viennent de là; c’est pour posséder l’infini que Caton s’est coupé la gorge, que les chrétiens se jetaient aux lions, que les huguenots se jetaient aux catholiques; tous les peuples de la terre ont étendu les bras vers cet espace immense, et ont voulu le presser sur leur poitrine. L’insensé veut posséder le ciel; le sage l’admire, s’agenouille, et ne désire pas.

La perfection, ami, n’est pas plus faite pour nous que l’immensité. Il faut ne la chercher en rien, ne la demander à rien, ni à l’amour, ni à la beauté, ni au bonheur, ni à la vertu; mais il faut l’aimer, pour être vertueux, beau et heureux, autant que l’homme peut l’être.

Supposons que vous avez dans votre cabinet d’étude un tableau de Raphaël que vous regardiez comme parfait; supposons qu’hier soir, en le considérant de près, vous avez découvert dans un des personnages de ce tableau une faute grossière de dessin, un membre cassé ou un muscle hors nature, comme il y en a un, diton, dans l’un des bras du gladiateur antique. Vous éprouverez certainement un grand déplaisir, mais vous ne jetterez cependant pas au feu votre tableau; vous direz seulement qu’il n’est pas parfait, mais qu’il y a des morceaux qui sont dignes d’admiration.

Il y a des femmes que leur bon naturel et la sincérité de leur cœur empêchent d’avoir deux amants à la fois. Vous avez cru que votre maîtresse était ainsi; cela vaudrait mieux en effet. Vous avez découvert qu’elle vous trompait; cela vous oblige-t-il à la mépriser, à la maltraiter, à croire enfin qu’elle est digne de votre haine?

Quand bien même votre maîtresse ne vous aurait jamais trompé, et quand elle n’aimerait que vous à présent, songez, Octave, combien son amour serait encore loin de la perfection, combien il serait humain, petit, restreint aux lois de l’hypocrisie du monde; songez qu’un autre homme l’a possédée avant vous, et même plus d’un autre homme; que d’autres encore la posséderont après vous.

Faites cette réflexion: ce qui vous pousse en ce moment au désespoir, c’est cette idée de perfection que vous vous étiez faite sur votre maîtresse, et dont vous voyez qu’elle est déchue. Mais dès que vous comprendrez bien que cette idée première elle-même était humaine, petite et restreinte, vous verrez que c’est bien peu de chose qu’un degré de plus ou de moins sur cette grande échelle pourrie de l’imperfection humaine.

Vous conviendrez volontiers, n’est-ce pas? que votre maîtresse a eu d’autres hommes et qu’elle en aura d’autres; vous me direz sans doute que peu vous importe de le savoir, pourvu qu’elle vous aime, et qu’elle n’ait que vous tant qu’elle vous aimera. Mais, moi, je vous dis: Puisqu’elle a eu d’autres hommes que vous, qu’importe donc que ce soit hier ou il y a deux ans? Puisqu’elle aura d’autres hommes, qu’importe que ce soit demain ou dans deux autres années? Puisqu’elle ne doit vous aimer qu’un temps, et puisqu’elle vous aime, qu’importe donc que ce soit pendant deux ans ou pendant une nuit? Êtes-vous homme, Octave? Voyezvous les feuilles tomber des arbres, le soleil se lever et se coucher? Entendez-vous vibrer l’horloge de la vie à chaque battement de votre cœur? Y a-t-il donc une si grande différence pour vous entre un amour d’un an et un amour d’une heure, insensé, qui, par cette fenêtre grande comme la main, pouvez voir l’infini?

Vous appelez honnête la femme qui vous aime deux ans fidèlement; vous avez apparemment un almanach fait exprès pour savoir combien de temps les baisers des hommes mettent à sécher sur les lèvres des femmes. Vous faites une grande différence entre la femme qui se donne pour de l’argent et celle qui se donne pour du plaisir, entre celle qui se donne pour de l’orgueil et celle qui se donne pour du dévouement. Parmi les femmes que vous achetez, vous payez les unes plus cher que les autres; parmi celles que vous recherchez pour le plaisir des sens, vous vous abandonnez aux unes avec plus de confiance qu’aux autres; parmi celles que vous avez par vanité, vous vous montrez plus glorieux de celle-ci que de celle-là; et de celles à qui vous vous dévouez, il y en a à qui vous donnez le tiers de votre cœur, à une autre le quart, à une autre la moitié, selon son éducation, ses mœurs, son nom, sa naissance, sa beauté, son tempérament, selon l’occasion, selon ce qu’on en dit, selon l’heure qu’il est, selon ce que vous avez bu à dîner.

Vous avez des femmes, Octave, par la raison que vous êtes jeune, ardent, que votre visage est ovale et régulier, que vos cheveux sont peignés avec soin; mais par cette raison même, mon ami, vous ne savez pas ce que c’est qu’une femme.

La nature, avant tout, veut la reproduction des êtres; partout, depuis le sommet des montagnes jusqu’au fond de l’Océan, la vie a peur de mourir. Dieu, pour conserver son ouvrage, a donc établi cette loi, que la plus grande jouissance de tous les êtres vivants fût l’acte de la génération. Le palmier, envoyant à sa femelle sa poussière féconde, frémit d’amour dans les vents embrasés; le cerf en rut éventre sa biche qui lui résiste; la colombe palpite sous les ailes du mâle comme une sensitive amoureuse; et l’homme, tenant dans ses bras sa compagne, au sein de la toute-puissante nature, sent bondir dans son cœur l’étincelle divine qui l’a créé.

O mon ami! lorsque vous serrez dans vos bras nus une belle et robuste femme, si la volupté vous arrache des larmes, si vous sentez sangloter sur vos lèvres des serments d’amour éternel, si l’infini vous descend dans le cœur, ne craignez pas de vous livrer, fussiez-vous avec une courtisane. Mais ne confondez pas le vin avec l’ivresse; ne croyez pas la coupe divine où vous buvez le breuvage divin; ne vous étonnez pas le soir de la trouver vide et brisée. C’est une femme, c’est un vase fragile, fait de terre, par un potier.

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