Морис Леблан - Арсен Люпен – джентельмен-грабитель / Arsеne Lupin Gentleman-Cambrioleur. Книга для чтения на французском языке стр 5.

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Jhésitai une seconde. Dun coup sec, il me frappa sur lavant-bras droit. Je poussai un cri de douleur. Il avait frappé sur la blessure encore mal fermée que signalait le télégramme.

Allons, il fallait se résigner. Je me tournai vers miss Nelly. Elle écoutait, livide, chancelante.

Son regard rencontra le mien, puis sabaissa sur le kodak que je lui avais remis. Elle fit un geste brusque, et jeus limpression, jeus la certitude quelle comprenait tout à coup. Oui, cétait là, entre les parois étroites de chagrin noir, au creux du petit objet que javais eu la précaution de déposer entre ses mains avant que Ganimard ne marrêtât, cétait bien là que se trouvaient les vingt mille francs de Rozaine, les perles et les diamants de lady Jerland.

Ah ! je le jure, à ce moment solennel, alors que Ganimard et deux de ses acolytes mentouraient, tout me fut indifférent, mon arrestation, lhostilité des gens, tout, hors ceci : la résolution quallait prendre miss Nelly au sujet de ce que je lui avais confié.

Que lon eût contre moi cette preuve matérielle et décisive, je ne songeais même pas à le redouter, mais cette preuve, miss Nelly se déciderait-elle à la fournir ?

Serais-je trahi par elle ? perdu par elle ? Agirait-elle en ennemie qui ne pardonne pas, ou bien en femme qui se souvient et dont le mépris sadoucit dun peu dindulgence, dun peu de sympathie involontaire ?

Elle passa devant moi, je la saluai très bas, sans un mot. Mêlée aux autres voyageurs, elle se dirigea vers la passerelle, mon kodak à la main.

Sans doute, pensai-je, elle nose pas, en public. Cest dans une heure, dans un instant, quelle le donnera.

Mais, arrivée au milieu de la passerelle, par un mouvement de maladresse simulée, elle le laissa tomber dans leau, entre le mur du quai et le flanc du navire.

Puis, je la vis séloigner.

Sa jolie silhouette se perdit dans la foule, mapparut de nouveau et disparut. Cétait fini, fini pour jamais.

Un instant, je restai immobile, triste à la fois et pénétré dun doux attendrissement, puis je soupirai, au grand étonnement de Ganimard :

 Dommage, tout de même, de ne pas être un honnête homme

Cest ainsi quun soir dhiver, Arsène Lupin me raconta lhistoire de son arrestation. Le hasard dincidents dont jécrirai quelque jour le récit avait noué entre nous des liens dirai-je damitié ? Oui, jose croire quArsène Lupin mhonore de quelque amitié, et que cest par amitié quil arrive parfois chez moi à limproviste, apportant, dans le silence de mon cabinet de travail, sa gaieté juvénile, le rayonnement de sa vie ardente, sa belle humeur dhomme pour qui la destinée na que faveurs et sourires.

Son portrait ? Comment pourrais-je le faire ? Vingt fois jai vu Arsène Lupin, et vingt fois cest un être différent qui mest apparu ou plutôt le même être dont vingt miroirs mauraient renvoyé autant dimages déformées, chacune ayant ses yeux particuliers, sa forme spéciale de figure, son geste propre, sa silhouette et son caractère.

 Moi-même, me dit-il, je ne sais plus bien qui je suis. Dans une glace je ne me reconnais plus.

Boutade, certes, et paradoxe, mais vérité à légard de ceux qui le rencontrent et qui ignorent ses ressources infinies, sa patience, son art du maquillage, sa prodigieuse faculté de transformer jusquaux proportions de son visage, et daltérer le rapport même de ses traits entre eux.

 Pourquoi, dit-il encore, aurais-je une apparence définie ? Pourquoi ne pas éviter ce danger dune personnalité toujours identique ? Mes actes me désignent suffisamment.

Et il précise avec une pointe dorgueil :

 Tant mieux si lon ne peut jamais dire en toute certitude : Voici Arsène Lupin. Lessentiel est quon dise sans crainte derreur : Arsène Lupin a fait cela.

Ce sont quelques-uns de ces actes, quelques-unes de ces aventures que jessaie de reconstituer, daprès les confidences dont il eut la bonne grâce de me favoriser, certains soirs dhiver, dans le silence de mon cabinet de travail

Arsène Lupin en prison

Il nest point de touriste digne de ce nom qui ne connaisse les bords de la Seine, et qui nait remarqué, en allant des ruines de Jumièges aux ruines de Saint-Wandrille, létrange petit château féodal du Malaquis, si fièrement campé sur sa roche, en pleine rivière. Larche dun pont le relie à la route. La base de ses tourelles sombres se confond avec le granit qui le supporte, bloc énorme détaché don ne sait quelle montagne et jeté là par quelque formidable convulsion. Tout autour, leau calme du grand fleuve joue parmi les roseaux, et des bergeronnettes tremblent sur la crête humide des cailloux.

Lhistoire du Malaquis est rude comme son nom, revêche comme sa silhouette. Ce ne fut que combats, sièges, assauts, rapines et massacres. Aux veillées du pays de Caux, on évoque en frissonnant les crimes qui sy commirent. On raconte de mystérieuses légendes. On parle du fameux souterrain qui conduisait jadis à labbaye de Jumièges et au manoir dAgnès Sorel, la belle amie de Charles VII.

Dans cet ancien repaire de héros et de brigands, habite le baron Nathan Cahorn, le baron Satan, comme on lappelait jadis à la Bourse où il sest enrichi un peu trop brusquement. Les seigneurs du Malaquis, ruinés, ont dû lui vendre, pour un morceau de pain, la demeure de leurs ancêtres. Il y a installé ses admirables collections de meubles et de tableaux, de faïences et de bois sculptés. Il y vit seul, avec trois vieux domestiques. Nul ny pénètre jamais. Nul na jamais contemplé dans le décor de ces salles antiques les trois Rubens quil possède, ses deux Watteau, sa chaire de Jean Goujon, et tant dautres merveilles arrachées à coups de billets de banque aux plus riches habitués des ventes publiques.

Le baron Satan a peur. Il a peur non point pour lui, mais pour les trésors accumulés avec une passion si tenace et la perspicacité dun amateur que les plus madrés des marchands ne peuvent se vanter davoir induit en erreur. Il les aime, ses bibelots. Il les aime âprement, comme un avare; jalousement, comme un amoureux.

Chaque jour, au coucher du soleil, les quatre portes bardées de fer qui commandent les deux extrémités du pont et lentrée de la cour dhonneur, sont fermées et verrouillées. Au moindre choc, des sonneries électriques vibreraient dans le silence. Du côté de la Seine, rien à craindre : le roc sy dresse à pic.

Or, un vendredi de septembre, le facteur se présenta comme dordinaire à la tête-de-pont. Et, selon la règle quotidienne, ce fut le baron qui entrebâilla le lourd battant.

Il examina lhomme aussi minutieusement que sil ne connaissait pas déjà, depuis des années, cette bonne face réjouie et ces yeux narquois de paysan, et lhomme lui dit en riant :

 Cest toujours moi, monsieur le baron. Je ne suis pas un autre qui aurait pris ma blouse et ma casquette.

 Sait-on jamais ? murmura Cahorn.

Le facteur lui remit une pile de journaux. Puis il ajouta :

 Et maintenant, monsieur le baron, il y a du nouveau.

 Du nouveau ?

 Une lettre et recommandée, encore.

Isolé, sans ami ni personne qui sintéressât à lui, jamais le baron ne recevait de lettre, et tout de suite cela lui parut un événement de mauvais augure dont il y avait lieu de sinquiéter. Quel était ce mystérieux correspondant qui venait le relancer dans sa retraite ?

 Il faut signer, monsieur le baron.

Il signa en maugréant. Puis il prit la lettre, attendit que le facteur eût disparu au tournant de la route, et après avoir fait quelques pas de long en large, il sappuya contre le parapet du pont et déchira lenveloppe. Elle portait une feuille de papier quadrillé avec cet en-tête manuscrit : Prison de la Santé, Paris. Il regarda la signature : Arsène Lupin. Stupéfait, il lut :

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