Морис Леблан - Арсен Люпен – джентельмен-грабитель / Arsеne Lupin Gentleman-Cambrioleur. Книга для чтения на французском языке стр 6.

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« Monsieur le baron,

« Il y a, dans la galerie qui réunit vos deux salons, un tableau de Philippe de Champaigne dexcellente facture et qui me plaît infiniment. Vos Rubens sont aussi de mon goût, ainsi que votre plus petit Watteau. Dans le salon de droite, je note la crédence Louis XIII, les tapisseries de Beauvais, le guéridon Empire signé Jacob et le bahut Renaissance. Dans celui de gauche, toute la vitrine des bijoux et des miniatures.

« Pour cette fois, je me contenterai de ces objets qui seront, je crois, dun écoulement facile. Je vous prie donc de les faire emballer convenablement et de les expédier à mon nom (port payé), en gare des Batignolles, avant huit jours faute de quoi, je ferai procéder moi-même à leur déménagement dans la nuit du mercredi 27 au jeudi 28 septembre. Et, comme de juste, je ne me contenterai pas des objets sus-indiqués.

« Veuillez excuser le petit dérangement que je vous cause, et accepter lexpression de mes sentiments de respectueuse considération.

« ARSÈNE LUPIN. »

« P. S. Surtout ne pas menvoyer le plus grand des Watteau. Quoique vous layez payé trente mille francs à lHôtel des Ventes, ce nest quune copie, loriginal ayant été brûlé, sous le Directoire, par Barras, un soir dorgie. Consulter les Mémoires inédits de Garat.

« Je ne tiens pas non plus à la châtelaine Louis XV dont lauthenticité me semble douteuse. »

Cette lettre bouleversa le baron Cahorn. Signée de tout autre, elle leût déjà considérablement alarmé, mais signée dArsène Lupin !

Lecteur assidu des journaux, au courant de tout ce qui se passait dans le monde en fait de vol et de crime, il nignorait rien des exploits de linfernal cambrioleur. Certes, il savait que Lupin, arrêté en Amérique par son ennemi Ganimard, était bel et bien incarcéré, que lon instruisait son procèsavec quelle peine !

Mais il savait aussi que lon pouvait sattendre à tout de sa part. Dailleurs, cette connaissance exacte du château, de la disposition des tableaux et des meubles, était un indice des plus redoutables. Qui lavait renseigné sur des choses que nul navait vues ?

Le baron leva les yeux et contempla la silhouette farouche du Malaquis, son piédestal abrupt, leau profonde qui lentoure, et haussa les épaules. Non, décidément, il ny avait point de danger. Personne au monde ne pouvait pénétrer jusquau sanctuaire inviolable de ses collections.

Personne, soit, mais Arsène Lupin ? Pour Arsène Lupin, est-ce quil existe des portes, des ponts-levis, des murailles ? À quoi servent les obstacles les mieux imaginés, les précautions les plus habiles, si Arsène Lupin a décidé datteindre tel but ?

Le soir même, il écrivit au procureur de la République à Rouen. Il envoyait la lettre de menaces et réclamait aide et protection.

La réponse ne tarda point : le nommé Arsène Lupin étant actuellement détenu à la Santé, surveillé de près, et dans limpossibilité décrire, la lettre ne pouvait être que lœuvre dun mystificateur. Tout le démontrait, la logique et le bon sens, comme la réalité des faits. Toutefois, et par excès de prudence, on avait commis un expert à lexamen de lécriture, et, lexpert déclarait que, malgré certaines analogies, cette écriture nétait pas celle du détenu.

« Malgré certaines analogies » le baron ne retint que ces trois mots effarants, où il voyait laveu dun doute qui, à lui seul, aurait dû suffire pour que la justice intervînt. Ses craintes sexaspérèrent. Il ne cessait de relire la lettre. « Je ferai procéder moi-même au déménagement ». Et cette date précise : la nuit du mercredi 27 au jeudi 28 septembre !

Soupçonneux et taciturne, il navait pas osé se confier à ses domestiques, dont le dévouement ne lui paraissait pas à labri de toute épreuve. Cependant, pour la première fois depuis des années, il éprouvait le besoin de parler, de prendre conseil. Abandonné par la justice de son pays, il nespérait plus se défendre avec ses propres ressources, et il fut sur le point daller jusquà Paris et dimplorer lassistance de quelque ancien policier.

Deux jours sécoulèrent. Le troisième, en lisant ses journaux, il tressaillit de joie. Le Réveil de Caudebec publiait cet entrefilet :

« Nous avons le plaisir de posséder dans nos murs, voilà bientôt trois semaines, linspecteur principal Ganimard, un des vétérans du service de la Sûreté. M. Ganimard, à qui larrestation dArsène Lupin, sa dernière prouesse, a valu une réputation européenne, se repose de ses longues fatigues en taquinant le goujon et lablette. »

Ganimard ! voilà bien lauxiliaire que cherchait le baron Cahorn ! Qui mieux que le retors et patient Ganimard saurait déjouer les projets de Lupin ?

Le baron nhésita pas. Six kilomètres séparent le château de la petite ville de Caudebec. Il les franchit dun pas allègre, en homme que surexcite lespoir du salut.

Après plusieurs tentatives infructueuses pour connaître ladresse de linspecteur principal, il se dirigea vers les bureaux du Réveil, situés au milieu du quai. Il y trouva le rédacteur de lentrefilet qui, sapprochant de la fenêtre, sécria :

 Ganimard ? mais vous êtes sûr de le rencontrer le long du quai, la ligne à la main. Cest là que nous avons lié connaissance, et que jai lu par hasard son nom gravé sur sa canne à pêche. Tenez, le petit vieux que lon aperçoit là-bas, sous les arbres de la promenade.

 En redingote et en chapeau de paille ?

 Justement ! Ah ! un drôle de type, pas causeur et plutôt bourru.

Cinq minutes après, le baron abordait le célèbre Ganimard, se présentait et tâchait dentrer en conversation. Ny parvenant point, il aborda franchement la question et exposa son cas.

Lautre écouta, immobile, sans perdre de vue le poisson quil guettait, puis il tourna la tête vers lui, le toisa des pieds à la tête dun air de profonde pitié, et prononça :

 Monsieur, ce nest guère lhabitude de prévenir les gens que lon veut dépouiller. Arsène Lupin, en particulier, ne commet pas de pareilles bourdes.

 Cependant

 Monsieur, si javais le moindre doute, croyez bien que le plaisir de fourrer encore dedans ce cher Lupin lemporterait sur toute autre considération. Par malheur, ce jeune homme est sous les verrous.

 Sil séchappe ?

 On ne séchappe pas de la Santé.

 Mais, lui

 Lui, pas plus quun autre.

 Cependant

 Eh bien, sil séchappe, tant mieux, je le repincerai. En attendant, dormez sur vos deux oreilles, et neffarouchez pas davantage cette ablette.

La conversation était finie. Le baron retourna chez lui, un peu rassuré par linsouciance de Ganimard. Il vérifia les serrures, espionna les domestiques, et quarante-huit heures encore se passèrent pendant lesquelles il arriva presque à se persuader que, somme toute, ses craintes étaient chimériques. Non, décidément, comme lavait dit Ganimard, on ne prévient pas les gens que lon veut dépouiller.

La date approchait. Le matin du mardi, veille du 27, rien de particulier. Mais à trois heures, un gamin sonna. Il apportait une dépêche.

« Aucun colis en gare Batignolles. Préparez tout pour demain soir.

« ARSÈNE. »

De nouveau, ce fut laffolement, à tel point quil se demanda sil ne céderait pas aux exigences dArsène Lupin.

Il courut à Caudebec. Ganimard pêchait à la même place, assis sur un pliant. Sans un mot, il lui tendit le télégramme.

 Et après ? fit linspecteur.

 Après ? mais cest pour demain !

 Quoi ?

 Le cambriolage ! le pillage de mes collections !

Ganimard déposa sa ligne, se tourna vers lui, et, les deux bras croisés sur sa poitrine, sécria dun ton dimpatience :

 Ah ! ça, est-ce que vous vous imaginez que je vais moccuper dune histoire aussi stupide !

 Quelle indemnité demandez-vous pour passer au château la nuit du 27 au 28 septembre ?

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