Meurtre au Manoir - Грейс Фиона страница 3.

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Le terminal était un immense bâtiment semblable à une serre, acier et verre bleuté, surmonté d’une coupole de folie. Lacey pénétra dans la salle rutilante et pavée – décorée de fresques cubistes offertes par la fameuse British Building Society – et fit la queue au contrôle des passeports. Son tour arrivé, Lacey tendit son passeport à l’agent de la police des frontières, une blonde renfrognée aux épais sourcils noirs.

“Motif de la visite ? Affaires ou vacances ?”

La douanière avait un accent prononcé, aux antipodes de l'accent chantant des acteurs britanniques que Lacey adorait regarder lors de ses émissions préférées en deuxième partie de soirée.

“Je suis en vacances.”

“Vous n'avez pas de billet de retour.”

Lacey mit un moment avant de comprendre la douanière, probablement fâchée avec la grammaire. “Je n'ai pas de date retour.”

La douanière fronça ses gros sourcils noirs, d'un air visiblement suspicieux. “Vous devez être en possession d'un visa si vous comptez travailler.”

Lacey répondit par la négative. “Je n'ai pas du tout l’intention de travailler. Je viens de divorcer. J'ai besoin de temps, de prendre du recul, faire le vide, me goinfrer de glace en regardant des films nazes.”

L'expression de la douanière s'adoucit aussitôt, Lacey eu la nette impression qu’elle faisait elle aussi partie du Club des Divorcées.

Elle rendit son passeport à Lacey. “Profitez bien de votre séjour et haut les cœurs, ok ?”

Lacey ravala la petite boule qui s'était formée dans sa gorge, remercia la douanière et franchit les arrivées. Plusieurs groupes de personnes attendaient leurs proches. Certains avaient des ballons ou des fleurs. Un groupe de blondinets tenaient une pancarte indiquant “Bienvenue Maman ! Tu nous as manqué !”

Bien évidemment, personne n'était là pour accueillir Lacey. En traversant le hall bondé vers la sortie, elle songea à David qui ne l'accueillerait plus jamais à l'aéroport. Si seulement elle avait su, au retour de ce fameux voyage d’affaires – elle était partie acquérir un vase ancien, à Milan – que ce serait la dernière fois que David l'attendrait à l’aéroport, le sourire aux lèvres avec un immense bouquet de marguerites, elle en aurait profité davantage.

Lacey héla un taxi. La vue du véhicule noir provoqua une pointe de nostalgie. Naomi, ses parents et elle avaient voyagé dans un véhicule identique il y a bien des années, lors de ces dernières vacances en famille fatidiques.

“Je vous dépose où ?” demanda un chauffeur grassouillet à Lacey, assise à l'arrière.

“A Wilfordshire.”

Un ange passa. Le chauffeur se retourna, l’air bougon, ses gros sourcils froncés. “Vous savez que c'est à deux heures de route ?”

Lacey battit des paupières, elle ne voyait pas où il voulait en venir.

“C'est pas un problème,” dit-elle en haussant les épaules.

Il semblait vraiment perplexe. “Vous êtes américaine ? Ch'ais pas combien coûte les taxis là-bas, mais deux heures de trajet, ça va vous coûter bonbon.”

Sa rudesse prit Lacey de court, non seulement elle ne correspondait pas au côté impertinent qu'elle se faisait du chauffeur de taxi londonien, mais de plus, il laissait supposer que le trajet était au-dessus de ses moyens. Elle se demandait si c'était lié au fait qu'elle voyage seule. On n'avait jamais posé la question à David lorsqu'ils prenaient un taxi sur de longs trajets.

“J’ai de quoi payer,” lança-t-elle un peu sèchement au chauffeur.

Le conducteur se retourna et démarra le compteur, un bip retentit, le symbole de la livre sterling s’afficha en vert, provoquant chez Lacey une certaine nostalgie.

“Alors c'est parfait,” dit-il en démarrant.

Bienvenue en Grande-Bretagne, pensa Lacey.

*

Ils atteignirent Wilfordshire deux heures plus tard comme prévu, les “deux-cent cinquante balles” en valaient la peine. Le tarif prohibitif — sans compter le chauffeur antipathique — lui parurent dérisoires lorsque Lacey descendit de voiture et inspira profondément le bon air vivifiant du large. Pile comme dans ses souvenirs.

Lacey avait toujours été frappée par la manière dont les odeurs et les goûts évoquaient les souvenirs. L’air iodé lui provoquait une insouciance exquise, sensation qu’elle n’avait plus éprouvée depuis le départ de son père. Elle était littéralement submergée. L’angoisse provoquée par la réaction de sa famille suite à son road-trip imprévu s’était dissipée. Lacey était aux anges.

Elle se dirigea vers la rue principale. La bruine d'Heathrow avait disparu, le soleil couchant baignait la ville d'une lumière dorée, c'était magique. Tout était comme dans ses souvenirs – deux rangées parallèles de vieilles maisonnettes en pierre alignées au ras des pavés, avec leurs baies vitrées si caractéristiques donnant sur la rue. Les devantures des boutiques étaient restées dans leur jus depuis sa dernière visite. Elles arboraient toutes une enseigne en bois qui se balançait, chaque boutique était unique ; des vêtements d'enfants à la mercerie, en passant par une boulangerie et un petit café. Il y avait même une “confiserie” à l'ancienne, avec de grandes bonbonnières de verre remplies de bonbons colorés, un penny l’unité.

Nous étions en avril, la ville était pavoisée d'une multitude de banderoles colorées suspendues entre les magasins, Pâques oblige. Il y avait foule – des gens sortant du travail, songea Lacey – certains descendaient leur pinte de bière à des tables installées devant les pubs, d’autres savouraient leur café ou un dessert assis en terrasse. Leur bonne humeur et les agréables bavardages étaient réconfortants.

Lacey ressentait un profond bien-être, elle photographia la rue principale avec son portable. La mer argentée scintillait à l'horizon, le ciel se teintait d'un rose sublime, un vrai décor de carte postale. Elle l'envoya au groupe baptisé “Les Sœurs Doyle” par Naomi, au grand dam de Lacey.

Exactement comme dans mes souvenirs, disait sa légende, la perfection incarnée.

Un message de Naomi ne tarda pas à arriver.

T'as atterri sur le Chemin de Traverse d’Harry Potter, sœurette.

Lacey laissa échapper un soupir. Elle aurait dû s'attendre à une réponse sarcastique de sa sœur cadette. Naomi n'était jamais contente pour elle ou fière de la façon dont elle menait sa barque.

Y'a un filtre ? répondit sa mère dans la foulée.

Lacey, contrariée, rangea son téléphone. Elle inspira profondément afin de se calmer, personne n'entamerait sa bonne humeur. Comparé à l'air pollué qu'elle respirait à New York ce matin encore, le contraste était pour le moins saisissant.

Elle descendit la rue, ses talons claquaient sur les pavés. Prochaine étape : louer une chambre pour un nombre de nuits indéterminé. Elle s’arrêta devant le premier Bed & Breakfast venu, The Shire, une pancarte derrière la fenêtre affichait “Complet.” Pas de problème. La rue principale était longue et, si ses souvenirs étaient bons, les chambres ne manquaient pas.

Le Bed & Breakfast suivant – Chez Laurel – rose bonbon, affichait lui aussi “Plus de chambres.” Des mots différents pour un résultat similaire. Lacey sentit l'angoisse la gagner.

Angoisse qu'elle se força à refouler bien vite. Sa famille lui avait mis le doute. Inutile de s'inquiéter, elle finirait bien par trouver quelque chose.

Elle poursuivit son chemin. Le Seaside Hotel, situé entre une bijouterie et une librairie, était complet lui aussi, le Bed & Breakfast Chez Carol qui jouxtait le magasin d'articles de camping et l'institut de beauté, idem. Lacey était arrivée au bout de la rue.

Maintenant, elle angoissait pour de bon. Comment avait-elle pu être assez sotte pour débarquer au pied levé ? Son métier se résumait à organiser, la voilà incapable de planifier ses propres vacances ! Elle n’avait pas d'affaires et pas de chambre. Allait-elle repartir ? Débourser “deux-cent cinquante balles” pour un taxi jusqu'à Heathrow et prendre le prochain vol ? Pas étonnant que David ait rajouté sa clause de pension alimentaire – un vrai panier percé !

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