4. Intitulez ce passage et faites le devoir !
La jeune princesse, remplie de vertu et de pudeur, pensa sévanouir à cette horrible proposition. Elle se jeta aux pieds du roi son père, et le conjura, avec toute la force quelle put trouver dans son esprit, de ne la pas contraindre à commettre un tel crime.
Le roi, qui sétait mis en tête ce bizarre projet, avait consulté un vieux druide pour mettre la conscience de la princesse en repos. Ce druide, moins religieux quambitieux, sacrifia, à lhonneur dêtre confident dun grand roi, lintérêt de linnocence et de la vertu, et sinsinua avec tant dadresse dans lesprit du roi, lui adoucit tellement le crime quil allait commettre, quil lui persuada même que cétait une œuvre pie que dépouser sa fille. Ce prince, flatté par les discours de ce scélérat, lembrassa, et revint davec lui plus entêté que jamais dans son projet : il fit donc ordonner à linfante de se préparer à lui obéir.
La jeune princesse, outrée dune vive douleur, nimagina rien autre chose que daller trouver la fée des Lilas, sa marraine. Pour cet effet elle partit la même nuit dans un joli cabriolet attelé dun gros mouton qui savait tous les chemins. Elle y arriva heureusement. La fée, qui aimait linfante, lui dit quelle savait tout ce quelle venait lui dire, mais quelle neût aucun souci, rien ne pouvant lui nuire si elle exécutait fidèlement ce quelle allait lui prescrire. « Car, ma chère enfant, lui dit-elle, ce serait une grande faute que dépouser votre père ; mais, sans le contredire, vous pouvez léviter : dites lui que, pour remplir une fantaisie que vous avez, il faut quil vous donne une robe de la couleur du temps ; jamais, avec tout son amour et son pouvoir, il ne pourra y parvenir. »
5. Quen pensez-vous, la deuxième proposition de la fée est bonne ? Pourquoi ? Faites le devoir !
La princesse remercia bien sa marraine ; et dès le lendemain matin elle dit au roi son père ce que la fée lui avait conseillé, et protesta quon ne tirerait delle aucun aveu quelle neût une robe couleur du temps. Le roi, ravi de lespérance quelle lui donnait, assembla les plus fameux ouvriers, et leur commanda cette robe, sous la condition que, sils ne pouvaient réussir, il les ferait tous pendre. Il neut pas le chagrin den venir à cette extrémité ; dès le second jour ils apportèrent la robe si désirée. Lempyrée nest pas dun plus beau bleu lorsquil est ceint de nuages dor, que cette belle robe lorsquelle fut étalée. Linfante en fut toute contristée, et ne savait comment se tirer dembarras. Le roi pressait la conclusion. Il fallut recourir encore à la marraine, qui, étonnée de ce que son secret navait pas réussi, lui dit dessayer den demander une de la couleur de la lune. Le roi, qui ne pouvait lui rien refuser, envoya chercher les plus habiles ouvriers, et leur commanda si expressément une robe couleur de la lune, quentre ordonner et lapporter il ny eut pas vingt-quatre heures
Linfante, plus charmée de cette superbe robe que des soins du roi son père, saffligea immodérément lorsquelle fut avec ses femmes et sa nourrice. La fée des Lilas, qui savait tout, vint au secours de laffligée princesse, et lui dit : « Ou je me trompe fort, ou je crois que, si vous demandez une robe couleur du soleil, ou nous viendrons à bout de dégoûter le roi votre père, car jamais on ne pourra parvenir à faire une pareille robe, ou nous gagnerons au moins du temps. »
6. Dites si la suite du conte est telle que vous lavez imaginée. Faites le devoir !
Linfante en convint, demanda la robe, et lamoureux roi donna, sans regret, tous les diamants et les rubis de sa couronne pour aider à ce superbe ouvrage, avec ordre de ne rien épargner pour rendre cette robe égale au soleil. Aussi, dès quelle parut, tous ceux qui la virent déployée furent obligés de fermer les yeux, tant ils furent éblouis. Cest de ce temps que datent les lunettes vertes et les verres noirs. Que devint linfante à cette vue ? Jamais on navait rien vu de si beau et de si artistement ouvré. Elle était confondue ; et sous prétexte davoir mal aux yeux, elle se retira dans sa chambre, où la fée lattendait, plus honteuse quon ne peut dire. Ce fut bien pis : car, en voyant la robe du soleil, elle devint rouge de colère. « Oh ! pour le coup, ma fille, dit-elle à linfante, nous allons mettre lindigne amour de votre père à une terrible épreuve. Je le crois bien entêté de ce mariage quil croit si prochain, mais je pense quil sera un peu étourdi de la demande que je vous conseille de lui faire : cest la peau de cet âne quil aime si passionnément, et qui fournit à toutes ses dépenses avec tant de profusion ; allez, et ne manquez pas de lui dire que vous désirez cette peau. »
Linfante, ravie de trouver encore un moyen déluder un mariage quelle détestait, et qui pensait en même temps que son père ne pourrait jamais se résoudre à sacrifier son âne, vint le trouver, et lui exposa son désir pour la peau de ce bel animal. Quoique le roi fût étonné de cette fantaisie, il ne balança pas à la satisfaire. Le pauvre âne fut sacrifié, et la peau galamment apportée à linfante, qui, ne voyant plus aucun moyen déluder son malheur, sallait désespérer, lorsque sa marraine accourut. « Que faites-vous, ma fille ? dit-elle, voyant la princesse déchirant ses cheveux et meurtrissant ses belles joues ; voici le moment le plus heureux de votre vie. Enveloppez-vous de cette peau ; sortez de ce palais, et allez tant que terre pourra vous porter : lorsquon sacrifie tout à la vertu, les dieux savent en récompenser. Allez, jaurai soin que votre toilette vous suive partout ; en quelque lieu que vous vous arrêtiez, votre cassette, où seront vos habits et vos bijoux, suivra vos pas sous terre ; et voici ma baguette que je vous donne : en frappant la terre, quand vous aurez besoin de cette cassette, elle paraîtra à vos yeux ; mais hâtez-vous de partir ; et ne tardez pas. »
7. Intitulez ce passage et faites le devoir !
Linfante embrassa mille fois sa marraine, la pria de ne pas labandonner, saffubla de cette vilaine peau, après sêtre barbouillée de suie de cheminée, et sortit de ce riche palais sans être reconnue de personne. Labsence de linfante causa une grande rumeur. Le roi, au désespoir, qui avait fait préparer une fête magnifique, était inconsolable. Il fit partir plus de cent gendarmes et plus de mille mousquetaires pour aller à la quête de sa fille ; mais la fée, qui la protégeait, la rendait invisible aux plus habiles recherches : ainsi il fallut bien sen consoler.
Pendant ce temps linfante cheminait. Elle alla bien loin, bien loin, encore plus loin, et cherchait partout une place ; mais quoique par charité on lui donnât à manger, on la trouvait si crasseuse que personne nen voulait. Cependant elle entra dans une belle ville, à la porte de laquelle était une métairie, dont la fermière avait besoin dune souillon pour laver les torchons, nettoyer les dindons et lauge des cochons. Cette femme, voyant cette voyageuse si malpropre, lui proposa dentrer chez elle ; ce que linfante accepta de grand cœur, tant elle était lasse davoir tant marché. On la mit dans un coin reculé de la cuisine, où elle fut, les premiers jours, en butte aux plaisanteries grossières de la valetaille, tant sa peau dâne la rendait sale et dégoûtante. Enfin on sy accoutuma ; dailleurs elle était si soigneuse de remplir ses devoirs que la fermière la prit sous sa protection. Elle conduisait les moutons, les faisait parquer au temps où il le fallait ; elle menait les dindons paître avec une telle intelligence, quil semblait quelle neût jamais fait autre chose : aussi tout fructifiait sous ses belles mains.